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Association Culturelle Arménienne de Marne-la-Vallée (France)

Architecture ancienne - Khatchkars

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Extrait de AZAD Magazine, 1er trimestre 1999, numéro 85, p.16-17), texte publié sous le pseudonyme de "Haroutioune"

Parmi les multiples expressions d'une ardente dévotion au christianisme, la tradition des khatchkars constitue une contribution très originale du peuple arménien à l'art religieux du Moyen Age . "Croix-pierre", au sens littéral du mot, le khatchkar est, en réalité, une stèle ornée d'une croix sculptée sur sa face orientée vers le couchant.

Son origine se situe, sans doute, dans la continuité des diverses formes de croyances antérieures ancrées dans le roc du haut plateau arménien : rochers "magiques" et mégalithes préhistoriques, vischaps, stèles des rois de l'Ourartou puis des rois de l'Arménie païenne.

A l'ère chrétienne, les khatchkars représentent l'adoption de la stèle pour la vénération de la Croix, symbole de la Rédemption. En 825, après trois siècles de domination arabe, le Grand Prince Achot est couronné roi d'Arménie sous le nom d'Achot 1er ; ce représentant de la lignée des Bagratouni restaure ainsi la souveraineté nationale et une paix qui se traduisent par une puissante renaissance culturelle et religieuse. C'est à ce moment qu'apparaissent les khatchkars . Le donateur y exprime, avant tout, une prière pour le salut de son âme ou celle de ses proches. Parfois, il en est fait offrande pour rendre grâce au Sauveur, à l'occasion d'un voeu ou d'un événement important. Très rarement, il est destiné à protéger des démons ou des calamités naturelles.

La période archaïque

Khatchkar "archaïque" à triple croix (Noradouz-Sevan)
Dans une période initiale "archaïque" (photo 1), du IXe au XIe siècle, on note une phase de recherche esthétique. L'exemplaire le plus ancien connu est le khatchkar que fait élever, en 879 à Garni, Katranidé l'épouse d'Achot Bagratouni ; la façade de cette dalle, plate et rectangulaire, comporte une croix très simple dessinée par un sillon profond incisé dans la masse. Le khatchkar de Tekor (964) au sommet légèrement arrondi présente, également, une croix simple mais celle-ci est déjà saillante dans un cadre évidé. Parmi les formes anciennes on trouve aussi une forme en fer à cheval, à bordure saillante. simple ou ciselée, et une croix enrichie de symboles qui persisteront. Cette croix est dite ansée, avec une longue branche inférieure et des extrémités trèflées, telle la croix grecque de l'Evangile d'Andrinople (1007) . Elle idéalise l'Arbre de Vie avec, à sa partie supérieure, de chaque côté, des fruits (pommes de pin ou grappes de raisin) appendus à une tige née du sommet de la branche supérieure; la partie inférieure est flanquée de feuilles stylisées, germées de la base et remontant de chaque cote ou de deux petites croix en symétrie (khatchkars à triple croix).
La période classique

Khatchkar du XIe-XIIIe siècle (Ketcharis-Hrazdan)
Du XIe au XIVe siecle on assiste à l'épanouissement du modèle, "classique" (photo 2), qui sera très largement diffusé : une dalle épaisse, rectangulaire ou légèrement évasée vers le haut, de deux mètres ou plus, avec une moulure supérieure ouvragée, horizontale et saillante, en surplomb concave au dessus de la façade. Celle-ci comprend, de haut en bas, un cadre, rectangulaire ou à sommet arrondi, dans lequel est incluse la croix puis, au-dessous, un disque ou un cabochon en relief, symbole de semence et source de germination. De chaque côté une série de motifs géométriques superposés, souvent très variés, achèvent l'unité de la composition.

Une décoration complexe et raffinée

Khatchkar "Amenap'rkitch" (Cugingol-Ayarat-1279)

Khatchkar du Vardabed (prêtre) Momik (Amaghou-Noravank-1308), une dentelle de pierre
La décoration est devenue complexe et très raffinée : toutes les surfaces sont couvertes de fins entrelacs à type de ruban, de motifs végétaux ou de vannerie. Durant cette période, on trouve, en outre, de multiples variantes : la croix remplacée par la Crucifixion du "Sauveur de tous" (Amenap'rkitch) (photo 3), au dessus (au niveau de l'entablement) différentes scènes telles la Vierge à l'Enfant, le Christ en Gloire ou l'Ascension, au dessous (au niveau du socle) la figuration du donateur. Certains chefs-d'oeuvre, d'une virtuosité extrême, reproduisent dans la pierre les motifs traditionnels de la dentelle à l'aiguille (photo 4) . Dans tous les cas, la sculpture en saillie offre au regard un dessin ciselé qui joue du contraste avec les différentes incidences de la lumière. Au delà du XIVe siecle, commence une phase de déclin liée aux vicissitudes de l'histoire ; après le XVIe siecle, seule perdurera la réminiscence d'un âge d'or révolu. Au fil des siècles, les khatchkars ont été érigés dans une vaste aire géographique incluant l'est de la Turquie, le nord ouest de l'Iran, le sud de la Géorgie, le Nakhitchevan, le Karabagh et l'Arménie d'aujourd'hui. La foi, inscrite dans la pierre et la durée, témoigne ainsi de la présence arménienne, présente ou passée. Solitaires ou regroupes, en pleine nature ou près des monastères, dans les murs des églises, dans les cimetières ou encore tailles à même la roche, créées par des hommes de foi, les khatchkars sont les veilleurs de pierre de la mémoire collective du peuple arménien.

Références bibliographiques

1 - Adriano Alpago Novello et coll., Les Arméniens - Arts et Cultures, Jaca Book spa - Milan (1986)

2 - Agopik et Armen Manoukian, Ketcharis, Documenti di architettura armena (n°11), 1982

3 - Patrick Donabédian et Jean-Michel Thierry, Les Arts arméniens, Editions Mazenod - Paris (1987)

4 - Sirarpie Der Nersessian, L'Art arménien - Orient et Occident

Extrait de AZAD Magazine, 1er trimestre 1999, numéro 85, p.16-17), texte publié sous le pseudonyme de "Haroutioune"


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