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Association Culturelle Arménienne de Marne-la-Vallée (France)

Arménie - Minorités

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Alors que dans la plupart des Etats de la région cohabitent - avec plus ou moins de bonheur - des minorités nationales très différentes, l'Arménie est " ethniquement " homogène. On y compte à peine 3 % de " non-arméniens ", bien évidemment citoyens de plein droit de la République. Parmi ces minorités, celle des Kurdes Yésidis reste numériquement la plus importante (cf NAM N° 42). Mais les Molokans, les Juifs ou les Assyro-Chaldéens vivent aussi dans l'espace de la jeune république. Sans d'ailleurs se plaindre le moins du monde de leur sort... Reste que ces minorités souffrent elles aussi de la situation économique du pays et ont tendance tout comme leurs voisins arméniens à quitter le Caucase. Représentées au sein d'un conseil, les minorités rencontrées dans ce tour d'horizon ont des doléances ...mais surtout un seul but: l'entente cordiale.

Les Assyro-Chaldéens
Les Juifs
Les Kurdes
Les Molokans
Les Musulmans
L'Etat et les minorités


Les Assyro-Chaldéens

Le premier des premiers peuples chrétiens
Qui s'en souvient encore ? L'araméen, langue que parlent les Assyro-Chaldéens n'est ni plus ni moins que la langue du Christ. En Arménie, les Assyro-Chaldéens ne sont que quelques milliers (sept mille), essentiellement installés dans la plaine de l'Ararat, dans les villages de Dvin, de Dimitrov, ou un peu au-dessus d'Erevan dans celui d'Arzeni . Le peuple assyro-chaldéen illustre une problématique que les Arméniens connaissent malheureusement aussi : être reconnu comme nation alors que l'on ne peut plus vivre sur ses terres ancestrales; s'intégrer dans des pays étrangers sans se perdre et être complètement assimilés. Et, comme les Arméniens, ils forment une diaspora, forte de près de trois millions de membres à travers le monde.
Depuis toujours répartis sur plusieurs pays et victimes de toutes les invasions qui se sont succédées dans la zone, les Assyro-Chaldéens sont originaires de Mésopotamie, et leur histoire est vieille, de près de 4 000 ans. Le petit Etat sur le territoire de l'actuelle Syrie qui existait encore au début de notre ère se serait converti, avant tout autre, au christianisme, et ce, dès le premier siècle. On compte chez les Assyro-Chaldéens des appartenances à l'Eglise catholique, à l'Eglise dite nestorienne, des Orthodoxes, des jacobites et des Maronites. Pendant le génocide en 1915, les Assyro-Chaldéens présents depuis toujours dans tous les territoires de l'Arménie historique ont été déportés et massacrés comme les Arméniens par les autorités ottomanes. 250.000 ont ainsi trouvé la mort, les rescapés cherchèrent refuge en Iran, en Irak ou demeurèrent cachés sur ces terres vidées de leurs minorités chrétiennes.

Les Assyriens sont en 6750
A Erevan, l'association " Atour " - " patrie " en araméen - organise la communauté et s'occupe de toutes les activités culturelles, mais aussi d'entraide sociale entre les Assyro-Chaldéens. Leur présence en Arménie est moins le résultat de la fuite des rescapés du génocide que le produit de la partition de 1828, qui vit la Russie prendre le contrôle de l'Arménie orientale. Enrôlés dans l'armée russe, les Assyro-Chaldéens se sont installés, une fois démobilisés, dans les villages qui sont encore aujourd'hui les leurs. Dans le village d'Arzeni, une petite église témoigne de leur piété, mais aussi de leur manque de moyens. " Un prêtre en permanence dans notre village ? c'est difficile, explique le vice-maire d'Arzeni, Arsène Mikhaëlov. Nous sommes 1800 Assyro-Chaldéens ici, et nous avons pris l'habitude de célébrer beaucoup d'événements religieux à l'église arménienne ".
Projet immédiat du village : doter l'église d'un clocher. Et un espoir : avoir un jour un prêtre à demeure, venu du lointain séminaire situé en Irak. Dans la maison d'Arsène, l'araméen est la langue usuelle. Même dans le cas de mariages mixtes, les jeunes épouses apprennent la langue de leur belle-famille et certaines le parlent progressivement mieux que l'arménien même. Ici, tout est d'ailleurs trilingue russe, arménien et araméen : la plaque de la mairie, celle du monument aux morts. Et les prénoms des enfants qui sortent de l'école inspirés de la Bible ou des traditions : Nemrod, Dalilia, Semira, ou Assar pour un jeune garçon. L'araméen est aussi la langue habituelle des rapports entre villageois. Mais, souligne Arsène, si les Assyro-Chaldéens aiment leur pays, l'Arménie, depuis l'indépendance la situation a tendance à se compliquer: l'arménien est devenu la langue administrative, les concours d'entrée dans certaines universités sont inaccessibles à de nombreux enfants qui maîtrisent bien mieux le russe.

Si les terres assyriennes étaient reconnues comme Etat, les frontières suivraient aujourd'hui le tracé de l'antique Mésopotamie, entre le Tigre et l'Euphrate. Pour l'heure, des sites Internet, des associations et des publications régulières permettent aux Assyriens du monde entier de mieux se connaître, de maintenir leurs croyances, leurs traditions. Arsène nous montre ainsi un reportage télévisé d'une chaîne arménienne sur la grande fête assyrienne du 28 août : chants, danses, musique traditionnelle. Pour les Assyriens, nous sommes en l'année 6 750... Les fêtes religieuses sont généralement basées sur la Bible, et le Nouvel An se célèbre le ler avril de notre calendrier. Une histoire tourmentée, une nation sans Etat, dispersée à travers le monde, mais qui maintient malgré tout sa culture. Décidément, les Assyro-Chaldéens ne vous rappellent-ils pas un autre peuple ?


Les Juifs

Le petit Israël d'Erevan
" Lors des années les plus terribles, rappelle Willy, nous arrivions, grâce à l'aide d'Israël et de nos donateurs à faire vivre malgré tout notre communauté. Et le mouvement continue... ". La communauté juive d'Arménie est forte au plus de 500 membres, majoritairement concentrés sur Erevan. Subventionnée par différentes associations juives - et notamment le mouvement " Loubavitch " - la communauté possède à nouveau une synagogue et un centre culturel, depuis 1994, dans le même petit immeuble de la rue Tigran Mez. S'y déroulent les offices religieux, mais aussi des cours d'hébreu, pour adultes et enfants, ainsi que la célébration des fêtes. Dernièrement, la communauté s'était ainsi réunie pour le Nouvel An, alors que depuis une semaine déjà, la violence faisait rage, comme une histoire sans fin, entre Israéliens et Palestiniens. Comme il n'existe pas de boutiques cacher, c'est aussi ici que l'on peut se procurer certains produits conformes à la tradition. Surtout, c'est un lieu qui permet aux membres éparpillés de cette petite communauté de se retrouver. Souvent d'ailleurs pour évoquer les difficultés de la vie quotidienne, et les espoirs pour certains d'émigrer bientôt en Israël.
Pour le rabbin Gersh Meir Burshtein, formé à Moscou, l'Arménie n'a jamais eu la même tradition antisémite que nombre de ses voisins, et ce sont même les pogroms qui avaient lieu dans certaines républiques proches qui ont grossi les rangs d'une communauté juive extrêmement réduite au cours des années staliniennes. Si la présence de Juifs en Arménie remonte bien à Tigran le Grand, le rabbin constate que la communauté actuelle s'est surtout constituée par l'apport successif de juifs en provenance des républiques voisines. D'ailleurs, la plupart des Juifs d'Erevan rencontrés s'expriment plus facilement en russe qu'en arménien.

Si les Juifs d'Arménie sont bien intégrés, ils sont loin d'être épargnés par la situation économique ambiante. Les actions financées concernent ainsi en priorité l'aide sociale. Parmi les membres les plus âgés de la communauté, beaucoup sont pensionnaires et chacun peut recevoir de l'aide matérielle, ne serait-ce que sous forme de repas, au centre culturel. Sur le plan religieux, le rabbin s'inquiète : le sentiment religieux tend à disparaître ...et la plupart des familles juives d'Arménie sont en fait des familles " mixtes '; arméno-juives.
Les cours de langue en hébreu et ceux de civilisation tentent justement de revivifier le sens communautaire autant que de renouveler l'attachement spirituel. Préservés en Arménie des formes les plus graves d'antisémitisme, les Juifs ne sont pourtant pas très représentés dans les postes importants. Mais tandis qu'au dernier étage du centre, dans la synagogue, le rabbin lit la Torah, on peut encore entendre, vestiges d'un passé encore très proche, quelques accents d'Europe centrale et des mots de Yiddish.


Les Kurdes

Une minorité appréciée
Les Kurdes d'Arménie, essentiellement yézidis, ont franchi l'Araxe il y a près de trois siècles. Cette communauté essentiellement rurale, bien intégrée mais non assimilée, partage les difficultés de l'Arménie avec solidarité... Et se prend parfois à rêver d'un Kurdistan libre.

Selon les estimations les plus fiables, les Kurdes comptent actuellement près de 30 000 âmes en Arménie. D'après les deux derniers recensements officiels effectués en 1979 et 1989, on dénombrait respectivement 51.000 et 57.000 âmes (dont 55.000 adeptes de la foi yézidie). Cette diminution est due au départ de la presque totalité des Kurdes musulmans lors de la tourmente politique entre 1988 et 1989, et, plus particulièrement, à l'émigration de milliers de Kurdes yézidis pour des raisons socio-économiques au cours de la décennie 90. Les uns comme les autres ont choisi comme destination la Russie, et dans une moindre mesure, l'Allemagne.

Les Kurdes d'Arménie vivent majoritairement sur les flancs et les alentours du mont Aragatz, ainsi que, dans une moindre mesure, dans la plaine d'Ararat. On compte près de vingt-cinq villages purement kurdes-yézidis dans les sous-régions administratives d'Aragatz, d'Abaran, de Taline et d'Achtarak (marz d'Aragatsotn), ainsi que d'Hoktemberian et d'Etchmiadzine (marz d'Ararat). Un petit nombre vit à Erevan. L'activité essentielle des Kurdes est l'élevage, principalement des moutons, et l'agriculture. Mais le nombre d'intellectuels et de ceux qui ont reçu une éducation universitaire n'est pas négligeable pour autant. Indépendamment de leur religion, les Kurdes d'Arménie parlent tous le dialecte kourmandji de la langue kurde.

Selon Tchaerkaezé Rach (Mstoyan), les aïeux des Kurdes vivant actuellement en Arménie ont traversé le fleuve Araxe à partir du XVIIe siècle. D'après les habitants de Chamiram, le plus grand village kurde-yézidi d'Arménie (1700 habitants), situé dans la région d'Achtarak, une grande partie de leurs compatriotes sont les descendants des habitants de la vingtaine de villages yézidis de la contrée de Sourmalou, au pied du mont Ararat, qui sont venus sur l'autre rive d'Araxe en 1917 pour fuir les massacres et les oppressions. Selon les villageois yézidis d'Aragatz, leurs aïeux sont arrivés, dès 1828, en provenance des régions de Kars et d'Erzeroum pour les mêmes motifs. Ils se sont installés dans cette région élevée, rude et aride pour rester à l'abri des assaillants turcs. Avant leur départ, les Kurdes musulmans représentaient presque 20% du nombre total des Kurdes d'Arménie.

Les habitants du village Alakyaz rejettent l'assertion de certains milieux kurdes selon laquelle les Kurdes musulmans furent expulsés du pays en même temps que les Azéris par les Arméniens. " Ils avaient établi de proches liens de parenté avec les Kurdes musulmans d'Azerbaïdjan, et ceux de Latchine en particulier. Or, ceux-ci ont tout d'abord émigré vers différentes régions de la Russie, et leurs familles en Arménie les ont ensuite rejoints. Tous ceux qui disent avoir été expulsés sont des menteurs ". Un avis que ne partage pas Tchaerkaezé Rach : " Près de 90 % des Kurdes musulmans qui vivaient en Arménie furent déportés par force. J'insiste sur le fait que ces actes ne reflétaient pas l'attitude du peuple arménien. Au contraire, moi-même je fus témoin de scènes où des Arméniens en larmes embrassaient leurs voisins kurdes sur le point de partir ". A cause de la prédominance du facteur religieux, les Kurdes musulmans étaient fortement intégrés dans la communauté azérie du pays. Ils vivaient le plus souvent dans des villages communs et les mariages mixtes entre Kurdes musulmans et azéris étaient courants alors que la religion yézidie, pour sa part, ne permet pas les mariages mixtes. L'intégration sociale entre Kurdes yézidis et musulmans était donc beaucoup moins marquée.

L'importance prêtée à la différence entre les religions au niveau de la conscience collective de chacune de ces communautés avait au cours des siècles fortement escamoté la conscience de l'appartenance ethnique commune. " Ils ne partageaient pas notre pain. Ce n'est que maintenant qu'ils ont compris que, la religion mise à part, nous appartenons à la même nation " dit Tosoun, un kurde yézidi du village de Chamiram. Pour avoir vécu longtemps recluse sur elle-même, une minorité des Yézidis a développé au cours des ans une certaine conscience ethnique propre à elle. " Je ne peux pas dire que je suis Kurde. Moi, je suis yezidie. Je ne peux changer mon ethnie ", dit une femme du village Zartonk, près d'Hoktemberian. Mais pour Pacha Ousoupian, il n'y a point d'ambiguïté : " Je suis d'ethnie kurde et de foi yézidie ". Pacha Ousoupian représente en fait l'attitude de la grande majorité des Yézidis d'Arménie aujourd'hui. La minorité des " yézidistes purs " est considérée comme " non-éduquée " par le reste de ses compatriotes. Mais pour Tchaerkaezé Rach, membre du Comité Kurdistan et lui-même yézidi : " Le schisme artificiel entre Yézidis et Kurdes fut intentionnellement créé par le MNA (Mouvement National Arménien, l'ancien parti au pouvoir, NDLR), pour des calculs politiques malsains ". Aujourd'hui encore, des structures yézidies "pures", telles que l'organisation politique Yézdi Khana, et l'Union Nationale des Yézidis existent encore, mais leur influence semble avoir régressé. Onze des vingt-deux villages de la sous-région administrative d'Aragatz sont peuplés par les Kurdes yézidis. Le plus grand d'entre eux est Alakyaz, avec 500 habitants. " Nous ne nous sentons pas comme des étrangers en Arménie, mais nous menons notre propre lutte nationale pour avoir notre propre foyer national, affirment les villageois. Ici, la région n'est pas habitable. La fertilité de la terre est très médiocre. Il n'y a pas de forêts. L'hiver glacial dure huit mois ".

A l'évidence, les yézidis-kurdes ne se plaignent d'aucune discrimination à leur égard. " Les problèmes des villages yézidis sont les mêmes que ceux des villages arméniens" déclare Pacha Ousoupian, instructeur en retraite du village de Chamiram, avant d'ajouter : " Nous avons tous subi la même destruction et le même délabrement ", faisant allusion à la déconfiture économique du pays. A l'époque soviétique, les foyers culturels kurdes de l'URSS se trouvaient en Arménie. La langue kurde (dialecte kourmandji) était enseignée dans les écoles des villages kurdes, mais à cause du manque de professeurs qualifiés et de budget adéquat, le nombre d'heures par semaine consacrées à cet effet a nettement baissé ces dernières années. Jadis, on trouvait à Erevan une école technique pédagogique kurde pour l'ensemble des pays de la Transcaucasie. Mais à l'instar de la quasi-totalité des institutions relevant des domaines pédagogiques et culturels dans le pays, le parrainage des institutions ethno-culturelles kurdes de la part de l'Etat a nettement régressé au cours des dernières années. Ces dernières se sont trouvées dans l'obligation de se procurer d'autres sponsors ou de trouver des moyens d'autofinancement, ce qui est loin d'être facile à réaliser dans les conditions actuelles de l'Arménie. La radio nationale d'Arménie diffuse quotidiennement une demi-heure d'émissions en langue kurde, et une demi-heure additionnelle sur ondes moyenne et courtes pour les Kurdes des pays avoisinants. La section kurde de l'Union des Ecrivains d'Arménie continue de fonctionner depuis des dizaines d'années. La communauté publie son hebdomadaire en langue kurde, Rya Taza, et vient de lancer un mini-mensuel en langue arménienne, Arévi Yerkir (Pays de soleil). De plus, un trimestriel bilingue, Barékamoutyoun (Amitié) est également publié grâce aux efforts conjoints d'intellectuels kurdes et arméniens. Les activités du PKK sont largement relatés dans ces publications.

A. H. Alexandrian

Les Kurdes qui comptent actuellement près de 30.000 âmes en Arménie vivent surtout sur les flancs et alentours du mont Aragatz, ainsi que dans une moindre mesure, dans la plaine d'Ararat.


Qu'est-ce que le Yézidisme ?
Longtemps entourée de mystère, l'origine du Yézidisme remonte, selon certains chercheurs, aux antiques cultes orientaux. Il s'agit cependant d'une religion syncrétiste, englobant des éléments juifs, chrétiens, musulmans, mais aussi zoroastriens. Les Yézidis vénèrent le feu et le soleil : tous les matins, avant de faire leur toilette, ils prient tournés vers le soleil considéré comme source de vie. Selon une opinion très répandue, le Yézidisme aurait été la religion des Kurdes avant que ces derniers ne se convertissent à l'Islam." Les Kurdes et les Yézidis forment une même nation : les premiers se sont convertis à l'Islam au VIIe siècle, les autres ont gardé leur religion d'origine ", affirme Amriké Sardar, rédacteur en chef de l'hebdomadaire kurde Rya Taza, publié en Arménie. Les Yézidis croient que le diable, s'étant repenti de ses péchés devant Dieu, a été pardonné et est devenu le chef des anges. Cette croyance leur a valu par erreur le qualificatif d' "adorateurs du diable". En réalité, selon certains chercheurs, les Yézidis cherchent à se concilier l'esprit du mal pour l'empêcher de nuire. Leur foi repose en fait sur la négation du démon, de l'enfer et du péché. Deux figures principales caractérisent le yézidisme : Malak Tawus et Cheikh Hadi. Malak Tawus, vénéré sous forme de paon, est l'expression du démon tout en étant le plus puissant et le meilleur des anges. C'est à lui que les Yézidis adressent leurs prières. Dieu aurait créé l'univers avec l'aide de cet ange paon. Le Dieu (Zwade) yézidi ne correspond ni au Dieu tout puissant des juifs, ni au Dieu arbitraire et absolu des musulmans, ni à celui des chrétiens, clément et miséricordieux. La caractéristique que Zwade partage avec le Dieu des autres religions monotéistes, réside dans sa fonction de créateur de l'univers et non pas dans celle de patron et protecteur. La deuxième figure importante du yézidisme est le Cheikh Hadi. Né en Syrie en 1072, ce membre de la dynastie des Omayyades s'installe à Lalesh, en Irak. Il y fonde une confrérie qui forme le premier noyau de la communauté yézidi. Entre 1130 et 1160, les prédications du Hadi canalisent le mouvement vers le mysticisme et toute la partie sud du Kurdistan se trouve alors gagnée politiquement et religieusement par le yézidisme. Aujourd'hui les principaux foyers du yézidisme se trouvent à Sindjar en Irak, en Turquie, en Syrie, en Arménie et dans certaines régions d'Iran. C'est à Lalesh, devenu l'unique lieu de pélerinage des yézidis, que se trouve le tombeau du Cheikh Hadi où sont conservés les originaux des deux livres saints du yézidisme, Kitab-i-Jalwa et Mashafi-Ras.
Arminé Johannes

Les Molokans

Les "Amishs" du Caucase
Les Molokans forment une toute petite communauté parmi les minorités arméniennes. Implantés à Erevan, mais surtout dans des villages, comme celui de Fioletovo, près de Vanadzor, ils sont les descendants d'une secte chrétienne russe qui fut persécutée par le régime des Tsars et notamment par Catherine II. A l'époque, toute appartenance sectaire était suspecte aux yeux des maîtres de la Russie orthodoxe, et c'est la " grande Catherine " qui décida de les déporter en Transcaucasie, où ils vivent depuis, notamment en Arménie. Motif de la colère tsariste : la secte prétendait réformer peu ou prou les préceptes chrétiens, revenir à des valeurs bibliques plus fondamentales - ce qui fait d'ailleurs penser aux mouvements protestants qui ont pu secouer l'Europe occidentale. Ils s'abstenaient ainsi de respecter les jours de jeûne suivis par les fidèles de l'Eglise orthodoxe. De cette pratique ils doivent leur nom : Molokans . Moloko signifie boire en russe, et les Molokans, majoritairement des paysans, buvaient du lait les jours de jeûne. Par ailleurs, leur foi interdit la représentation de Dieu, images, statues et croix sont bannies de leurs maisons et villages. On cherchera en vain dans leurs domaines une église ou l'un de ces signes extérieurs de chrétienté : les Molokans pensent que c'est la réunion des fidèles - et non le lieu - qui est sacrée. De même, au dessus des tombes dans le cimetière de Fioletovo, pas de croix, mais de curieuses petites boîtes métalliques, avec une phrase en russe, rappelant les dates de la personne qui repose là, et aussi, ses qualités de croyant.
Pacifistes, très religieux, les Molokans se sont organisés en Arménie de manière quasiment autarcique. Ils parlent surtout le russe, peu d'entre eux maîtrisent l'arménien, et à l'école, c'est aussi en russe que sont donnés les cours. Ainsi, à Fioletovo, en pleine Arménie, sur la route de Dilidjan à Vanadzor, le dépaysement est assuré : on est quelque part en Russie ancienne, les femmes portent des foulards traditionnels sur les cheveux, les hommes une longue barbe en signe de foi et gardent une casquette sur la tête. Les couleurs dominantes sont le bleu des yeux et le blond presque blanc des cheveux des Molokans que l'on croise. La route qui traverse le village est bordée de petites maisons qui rappellent les isbas des plaines russes, blanchies à la chaux, aux volets de couleur.
Les Molokans sont paysans dans leur grande majorité et à Fioletovo, ils cultivent surtout des choux et des pommes de terre. Ici, les champs n'ont pas trop souffert de la sécheresse de cet été (année 2000), grâce à la présence d'une petite rivière et aux efforts d'irrigation qui ont été déployés. Les plus jeunes sont mis à contribution dans presque chaque famille, une fois l'école terminée. Un aspect que les professeurs de l'école de Fioletovo regrettent un peu: les enfants, même ceux qui suivent bien, ne dépassent pas la dernière classe du système arménien ce qui correspond à peu près à notre brevet des collèges en France. Ensuite, ils travaillent en famille dans les champs. Très peu s'orientent vers l'université - ce qui pose d'ailleurs à nouveau le problème de la langue pratiquée au sein des minorités d'Arménie.

L'appréciation des villageois du village arménien voisin reste élogieuse : les Molokans sont des gens travailleurs, qui possèdent presque tous un tracteur. Courtois, aimables, sans problèmes. Ils ne se marient qu'entre eux ou presque. On ne recense pas beaucoup de cas où dans le village arménien, une fille ou un garçon arménien est venu chercher époux ou épouse ici. Comme dans les familles arméniennes les familles Molokans rassemblent plusieurs générations sous le même toit. Sur les tables des petites " isbas ", la Bible et les Evangiles sont grand ouverts en permanence, on ne les range que pour donner place aux étrangers qui arrivent, et auxquels on offre le lait et des tranches de gros pains dorés et moelleux qui sortent des fours traditionnels. Pas de "donir" ici, mais ce four qui traverse toute la maison, et reste allumé quasiment tout le temps.
L'ensemble du village forme un décor de carte postale, image de quiétude, de sols peints, de petites maisons chaleureuses et proprettes, toutes disposant d'un précieux et ancien samovar bien en vue, venu de cette très vieille Russie quittée de force. Les enfants rieurs dont les mèches blondes s'envolent dans le vent d'automne vivent au rythme des saisons dans le village de Fioletovo. Aux Etats-Unis, ils forment une réelle petite diaspora, constituée surtout au début du siècle à la suite de leur refus de faire le service militaire dans " l'oblast " de Kars. Au total, les Molokans seraient 20 000 à travers le monde, mais au plus fort de son expansion, la secte a revendiqué plusieurs centaines de milliers de fidèles. En Arménie, les Molokans ont en tout cas trouvé une patrie, une possibilité de pratiquer leur foi.


Les Musulmans

Quelques Musulmans sereins
Qu’il y a loin depuis la fin du XIXe siècle lorsque aux yeux des étrangers Erevan était moins une ville arménienne qu’une vieille ville persane, d’où émergent de hauts minarets et des coupoles aux brillantes faïences (B. Chantre, A travers l’Arménie russe, Hachette, Paris, 1893). De sa petite dizaine de mosquées, il ne reste plus que l’ancienne grande mosquée du bazar, ou Grande mosquée, construite en 1765 : par le gouverneur iranien d'Arménie (perse) de l’époque, Hussein Ali Khan. Pas moins de plusieurs centaines de Tatars (Azéris) se rassemblaient chaque jour autour de son bassin central pour y faire leurs ablutions. Fermée en 1914, elle a servi ensuite de local destiné à abriter le musée d’Histoire de la ville d'Erevan. Privée d'entretien durant les soixante-dix ans de soviétisme, elle avait fini par tomber en ruine et aurait certainement disparu sans la restauration spectaculaire entreprise après l'indépendance de l'Arménie.

Un lieu de visite incontournable
De fait, l'accord historique arméno-iranien de 1995, à teneur principalement économique (énergétique), a été assorti d'un volet culturel prévoyant de rénover la mosquée. Demanderesse, la partie iranienne s'engageait à prendre tous les frais en charge. C'est ainsi que matériaux (notamment les carreaux de faïence) et ouvriers (dont des artisans d'Ispahan) furent envoyés spécialement d'Iran pour contribuer, avec l’aide d'une équipe arménienne locale, à la réédification de l'unique mosquée du pays. Les travaux qui ont duré de l'automne 1996 à l’an 2000 ont coûté un million de dollars (soit environ 7 500 000 francs).
Le jeu en valait la chandelle, aujourd’hui la mosquée Bleue est un des incontournables de la capitale, entre la pace de la République et le marché central couvert, sur l'axe principal de la ville (le boulevard Mesrop Machtots). Ni Sainte-Sophie d'Istanbul, ni mosquée de l’Imam d'Ispahan, elle est cependant suffisamment belle et représentative de l’art islamique pour pouvoir s’intégrer à la série des mosquées bleues disséminées jusqu'en Asie centrale et dont le chapelet forme l'armature thématique de plusieurs circuits touristiques. Les étudiants de la faculté d'architecture d'Erevan s'y déplacent d'ailleurs au moins une fois par an pour mettre leurs connaissances en pratique. Appartenant à la municipalité, la mosquée est placée sous la surveillance discrète mais permanente des services de sécurité du ministère de l'Intérieur. Pour le principe. Car vraiment la présence de cette mosquée flambant neuf n'incommode personne et pour cause ! C'est à peine si elle remplit sa vocation (spi) rituelle : pas d'imam ni de mollah. Pas d'enseignement du Coran dans les cellules vides de la madrasa (école coranique). Juste la prière du jeudi soir à 20 heures, et sans appel du muezzin. M. Ghachghani n'hésite pas à affirmer : " On ne considère pas la mosquée comme un centre religieux. C'est surtout un centre culturel au service de tous les peuples ".

Monsieur Ghachghani
Cela fait presque hôuit ans que M. Ghachghani vit en Arménie. Ayant raté le concours d'entrée à la faculté dentaire en Iran, mais désireux de rester fidèle à une vocation professionnelle précoce, il s'est inscrit à la faculté dentaire d'Erevan en 1994. Comme pour tous les étudiants étrangers, la première année a été consacrée à l'apprentissage de la langue (russe ou arménienne), suivie du cursus universitaire classique. M. Ghachghani a obtenu son diplôme de dentiste mais il n'exerce pas, poursuivant actuellement ses études pour se spécialiser en orthodontie. Entre temps il a intégré les services de l'ambassade d'Iran, devenant sous-directeur du centre culturel ouvert en septembre 1999, et responsable de la mosquée. Vu sa fonction, M. Ghachghani témoigne d'une franchise déconcertante. C'est à peine s'il évoque la vocation initiale de la mosquée qu'il a en charge, relevant simplement qu'elle est ouverte à tous parce que : "elle répond au besoin de spiritualité inhérent à chaque homme ". Pour lui, la mosquée est d'abord un lieu de rencontre pour les Iraniens émigrés. " Ici on est tous camarades, tous égaux " dit-il. On peut le comprendre. Les églises arméniennes de la diaspora ne sont-elles pas devenues au moins autant un point de ralliement pour se voir et se retrouver "entre soi " que des lieux de culte? En réalité, la mosquée fonctionne surtout comme un centre culturel où l'on dispense gratuitement des cours de langue iranienne et d'arts manuels et où l'on peut consulter et emprunter des livres en iranien à la bibliothèque. Accessoirement elle abrite aussi un cabinet dentaire ... et une exposition permanente de photos où l'on voit la mosquée avant et après sa restauration. Une petite salle est consacrée au patrimoine arménien et religieux d'Iran (dont le monastère de Saint-Thaddée), avec - ô surprise ! - une représentation de la Vierge à l'Enfant et une autre du Christ. Mais les Iraniens n'ont-ils pas toujours vénéré Marie ainsi que Jésus? M. Ghachghani a décidément réponse à tout, et sans embarras apparent. De toutes les façons, les relations avec l'Eglise arménienne sont excellentes. Et d'ailleurs le centre culturel iranien a participé pleinement à la célébration du 1700e anniversaire de la proclamation du christianisme comme religion d'Etat en Arménie. " Nous sommes fiers d'habiter dans un pays qui est attaché à sa religion et nous respectons énormément cela " ajoute Ghachghani. Dans la salle de réception du centre culturel, un tableau représentant le mont Ararat fait face aux trois portraits des ayatollahs Khomeyni et Khameneyi ainsi que du président Khatami.
Les liens entre l'Arménie très chrétienne et l'Iran fondamentaliste sont visiblement détendus, chaleureux et sans arrière-pensées. Foin de la propagande et du prosélytisme qui font la hantise des pays occidentaux. Absent le mystère qui entoure les mosquées bruissantes de chuchotements incompréhensibles en langue sémitique ou persane. Dans celle d'Erevan, le gardien qui sait parler un peu arménien, n'a rien d'un austère étudiant en théologie à barbe noire. Il vous ouvre les portes du sanctuaire sans exiger de revêtir le foulard. Et précise dans un sourire que les cours de la mosquée sont fréquentés principalement par des Arméniens, généralement originaires d'Iran.

Une centaine de fidèles
Qui sont donc les musulmans qui viendraient prier à la mosquée Bleue? Selon M. Ghachghani, ils seraient entre cinquante et cent chaque semaine, étudiants iraniens et arabes, hommes d'affaires iraniens, et personnel d'ambassades. Un maximum pour une population de référence relativement hétéroclite, de passage, dont le nombre indéterminé ne saurait dépasser le millier de personnes. L'impression générale est que les injonctions à la fréquentation du sanctuaire sont nettement moins impérieuses ici qu'ailleurs car il est rare d'y observer un homme en prière. Ainsi la mosquée est-elle ce lieu paisible et vide que les participants arméniens aux activités linguistiques et culturelles et les quelques touristes occidentaux en visite contribuent le plus à animer.

Yéghichè Tcharents
Peut-être y aménagera-t-on plus tard des bancs dans le jardin intérieur, voire un salon de thé oriental sur la façade nord ouvrant sur le boulevard Machtots ? Après tout, il y avait bien là, juste avant la dernière guerre mondiale, un restaurant oriental qu'aimait fréquenter le Tout-Erevan de l'époque. Yèghichè Tcharents (poète, 1897-1937) y a même passé en été 1937 un des derniers moments agréables de sa terrible existence avant que s'abatte sur lui le fléau tranchant des purges staliniennes. Viguen Issahakian (le fils du poète Avétik) raconte dans un livre dédié à son père, ce moment resté pour lui inoubliable (Avétik Issahakian, poète, 1874-1957). Tcharents était seul à Erevan, ayant envoyé sa femme Isabella et leurs deux fillettes passer quelques vacances à Tzaghkadzor. Malgré sa mise en quarantaine et la pression morale intolérable qu'il subissait alors de la part de l'Union des Ecrivains, Tcharents avait encore l'énergie de travailler à une pièce où il comptait mettre en scène les grands personnages de la littérature, Hamlet, Faust, Don Quichotte, Kadj Nazar etc. Il était venu en parler à son voisin Avétik Issahakian nouvellement rentré au Pays après des années d'exil volontaire à Paris. Café et boissons servis par Sophia Issahakian. Puis Viguen photographie Tcharents, ses parents et sa jeune femme sur le balcon de l'appartement. Ce sera la dernière photo de Tcharents... Soudain ce dernier propose à toute la famille d'aller à la mosquée. " La mosquée? Pour quoi faire? " s'étonne Avétik Issahakian. "Vous n'êtes pas au courant? Depuis quelques jours on y a ouvert un restaurant oriental et le cuisinier Ali n'a pas son pareil pour préparer des kebabs. Vous êtes mes invités! " Ils s'y rendent à pied car c'est à deux pas de chez eux. " Le restaurant se trouvait dans la cour intérieure. Les tables étaient disposées autour du bassin central où l'on avait plongé plusieurs pastèques pour les mettre au frais. Un trio musical jouait avec entrain de la musique orientale et un chanteur chantait à tue-tête des chansons populaires. AU préparait ses fameux kebabs en public, sur un fourneau (...) Mon père et Tcharents ont choisi une table à l'écart et se sont assis. J'ai regardé aux quatre coins. Il y avait des visages connus. Notamment cette frange d'intellectuels qui étaient encore en liberté et osaient venir ici boire un café, échanger des nouvelles sur ce qui se passe, quoique avec infiniment de précaution, en pesant le moindre mot, de façon à ne pas regretter ensuite quelque parole malheureuse qui se serait échappée de leur bouche. " (Viguen Issahakian, Hayress – Mon père). Sale temps où la mosquée représentait curieusement un espace - le seul peut-être - de liberté ! Et ainsi : qui eût dit qu'en restaurant la mosquée Bleue dans la Ville rose, les Iraniens ressuscitaient aussi une authentique part du patrimoine arménien? Ce pour quoi on ne peut que leur être infiniment reconnaissants.

Séta Mavian, Nouvelles d’Arménie Magazine, numéro 70, Décembre 2001


L'Etat et les minorités

Si les minorités en Arménie ne se plaignent aucunement de leur sort, elles posent cependant une question récurrente au gouvernement depuis l'indépendance. La langue administrative devenant l'arménien - alors que pour des raisons historiques, Molokans, juifs ou Assyriens, mais aussi, d'autres micro-groupes sont plus familiers du russe - le problème de l'accès à l'éducation supérieure se pose avec une acuité nouvelle. Une demande courante que nous rappellent notamment les Assyro-Chaldéens est de dispenser de concours d'entrée en université les jeunes Assyriens qui possèdent mieux le russe que l'arménien en plus de la langue araméenne. D'autres groupes, comme les Molokans, puisque leur pratique de l'arménien est très peu répandue, ont des problèmes pour accéder à l'université.

D'une manière générale, les minorités qui ne sont pas familiarisées avec l'arménien ne peuvent prétendre à des postes administratifs. Un paramètre qui a fortement incité - outre les difficultés économiques et sociales du pays - certaines de ces minorités à partir en masse vers leur " patrie " souvent inconnue. Par ailleurs, les différentes minorités demandent aussi que, si minoritaires que soient certains des groupes, des représentants puissent siéger et être élus au Parlement arménien. Et certains de souligner que l'époque soviétique, avec sa très théorique " égalité des peuples ", permettait justement à ces minorités d'être représentées au Soviet.
Depuis l'indépendance, la revendication semble donc croître parmi les minorités d'Arménie, en arguant du fait que justement, au Liban ou en Iran, des députés arméniens représentent les intérêts de cette minorité. Quand on parle d'effet de miroir... Mais lorsque l'on sait que nombre de pays occidentaux - dont la France refusent encore toute possibilité de représentation des minorités de cette manière, on mesure ce que la demande a de difficile. Elle pose, pour tout état démocratique, un problème de taille : accepter que la différence ethnique et religieuse de certains groupes soit reconnue et admise dans l'arène politique.

L'effort louable du jeune Etat arménien est cependant d'avoir inscrit dans la Constitution le principe de non discrimination entre les citoyens arméniens, quelles que soient leur religion, culture ou langue. De plus, en 1994, a vu le jour une Union des Minorités Nationales d'Arménie, où sont représentées toutes les minorités, tandis que dans le palais présidentiel, le conseiller Rasmig Davoyan est en charge des minorités. Comme il le fait remarquer lui-même: " nous-mêmes, Arméniens, sommes une minorité nationale dans bien des pays. Il nous faut traiter en Arménie nos minorités comme nous souhaitons que notre minorité arménienne soit traitée de par le monde ".

Nouvelles d'Arménie Magazine, Numéro 61, Février 2001
Texte de Fanny Hagopian
Photos de Max Sivaslian


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