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Association Culturelle Arménienne de Marne-la-Vallée (France)

Rue Hrant Dink

Angle Rue La Confluence - 69002 Lyon

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Inaugurée le 19 janvier 2008 par Gérard Collomb, sénateur-maire de Lyon, et René Léonian

Rue Hrant Dink --- Cliquer pour agrandir
Rue Hrant Dink
Gérard Collomb, sénateur-maire de Lyon --- Cliquer pour agrandir
Gérard Collomb, sénateur-maire de Lyon
Jeanine Paloulian, Gérard Collomb et Denis Broliquier --- Cliquer pour agrandir
Jeanine Paloulian, Gérard Collomb et Denis Broliquier


Délibération du 14 janvier 2008

Lorsque ce samedi matin 19 janvier 2008, le petit drapeau rouge et bleu frappé du lion qui symbolise la ville, a été enlevé par Gérard Collomb et René Léonian, dévoilant sur la plaque de rue le nom de Hrant Dink : journaliste assassiné, une belle page venait d'être écrite.
J'étais aux premières loges de la scène, entre le sénateur-maire de Lyon et notre ami venu spécialement d'Erevan pour représenter la famille de Hrant Dink, puisque j'avais pris l'initiative de cette démarche.
Au carrefour de trois histoires : celle du journalisme qui est mon métier et que j'enseigne, celle de la ville de Lyon dont je suis, et celle des Français d'origine arménienne, l'idée s'était imposée à moi quelques jours après le lâche assassinat de Hrant. J'en avais aussi testé la pertinence auprès de confrères reconnus et estimés de divers médias écrits et audiovisuels. Tous m'y avaient encouragée.

Retour en arrière
8 septembre 2007. Sur l'esplanade de la basilique de Fourvière, au cours de la réception conviviale qui suit la très lyonnaise cérémonie du vœu des échevins, je soumets cette idée à Gérard Collomb : donner le nom de Hrant Dink à une rue du nouveau quartier de la Confluence, situé à l'extrême sud de la ville derrière la gare de Perrache, où plusieurs groupes de médias ont prévu de s'installer. Le maire de Lyon, sans une once d'hésitation, donne son feu vert. Il confie, sur le champ, le dossier à Jean-Yves Sécheresse, conseiller municipal et président du groupe socialiste qui connaît particulièrement bien la question arménienne, puisque c'est lui qui a aussi porté le projet du mémorial de la place Antonin Poncet.

Jeu de piste international
Les choses vont ensuite aller très vite, car d'entrée l'idée s'est imposée : l'inauguration doit avoir lieu le 19 janvier, jour anniversaire de l'assassinat du journaliste.
Il faut préparer la délibération qui sera soumise au conseil municipal, donc en amont choisir la rue : ce sera celle qui longe le bâtiment, siège du quotidien régional Le Progrès et la chaîne de télévision locale TLM, et obtenir l'accord écrit de la famille de Hrant Dink. Un véritable jeu de piste international commence alors pour trouver Rakel Dink, sa veuve, désormais très sollicitée, elle aussi confrontée à des événements qui se précipitent.
On la cherche à Istanbul, elle est à Vienne pour recevoir le prix qui fait de son mari, le héros 2007 de la presse internationale (l'année précédente, ce prix avait été destiné à Ana Politkovskaïa). On pense l'avoir retrouvée à Bruxelles, où elle soutient le moral de son fils, lui aussi poursuivi par la justice turque au titre de l'article 301, et elle est à Marseille, quelques heures, le temps d'assister aux funérailles d'un autre Hrant, un ami très cher de la famille Dink. Dans cette course-poursuite, les deux « batvéli » René Léonian à Erevan et Gilbert Léonian à Marseille vont se révéler des aides précieux. Rakel écrit au maire de Lyon pour lui donner son accord, le remercier et insister sur la dimension universelle de la liberté de la presse et du respect des droits de l'Homme qu'elle veut conserver à la mémoire de son mari. Elle regrette de ne pas pouvoir être à Lyon ce jour-là, car des célébrations sont déjà prévues à Istanbul.
René Léonian, qui était à ses côtés lors des funérailles de Hrant, représentera la famille.

De Agos à Vamos
Parallèlement, ce sont les étudiants en journalisme de l'ISCPA qui entrent aussi dans le projet. Avec la direction de l'école, nous leur proposons la réalisation d'un journal qui s'inspirerait de l'hebdomadaire qu'avait fondé Hrant, Agos. Objectif : être distribué aux invités de l'inauguration pour raconter Hrant Dink, rendre hommage à des figures emblématiques de la profession et faire le point sur la difficile situation de la liberté de la presse dans le monde. Une douzaine d'étudiants de 1e, 2e et 3e années se porte volontaire. En moins de deux mois, ils réalisent un journal de quatre pages, intitulé : Vamos. Une manière très explicite de s'inscrire dans la continuité du sillon (Agos) tracé par Hrant et de se confronter directement aux exigences et aux contraintes du métier.
Ils sont présents dans les rangs du public, le soir du conseil municipal lorsque les élus adoptent, à l'unanimité, le rapport sur la rue Hrant Dink présenté par le Premier adjoint, Jean-Louis Touraine. Ils sont encore présents le lendemain à l'aube, à la sortie des rotatives du Progrès, pour recueillir avec enthousiasme et émotion, leur premier journal.
Entre temps, ils ont pris contact avec Maïda Saris de la rédaction d'Agos, ils l'ont interviewée. Elle applaudit au projet, nous envoie des photos et un message très émouvant : « Sachez que nous, membres de l'hebdomadaire Agos, sommes à vos côtés. » Par delà les frontières, les sentinelles de la liberté de la presse se retrouvent et se reconnaissent. Un lien invisible s'est tissé avec la rédaction de « celui dont nous aurions voulu être les confrères », écrivent-ils dans l'éditorial de Vamos.

La présence du consul général de Turquie
Arrive le jour de l'inauguration. La veille, nous avons appris que le consul général de Turquie serait présent, mais que contrairement à son souhait, il n'aurait pas la parole. Hrant Dink était citoyen turc, mais on sait bien que c'est le nationalisme exacerbé et la haine, distillés jour après jour, qui ont assassiné Hrant, comme ses ancêtres arméniens, quatre-vingt dix ans auparavant. Le simple fait que Ismaïl Hakki Musa, représentant officiel d'un Etat négationniste, prenne la parole, aurait été une provocation.
Au premier rang du public, pendant une heure, a va écouter, avec une impassibilité toute diplomatique, nos propos. À la fin de la cérémonie, aux journalistes qui l'interrogent, il dira simplement son regret de voir le « passé » (sous entendu le génocide) lié au « présent » (la mémoire de Dink), considérant que les deux événements n'ont aucun lien entre eux.
Bel exercice d'hypocrisie d'Etat.
Après le dévoilement de la plaque, vient l'heure des discours : Denis Broliquier (opposition) maire du 2e, pourtant journaliste d'origine, accueille a minima : en moins d'une minute. J'évoque ensuite toutes les atteintes à la liberté de la presse en Turquie et demande l'abrogation de l'article 301.
Deux étudiants prennent ensuite la parole. Amandine Lacroix, qui lit le message de la rédaction d'Agos et Mehdi Dahmane, qui rappelle les principes qui fondent la liberté et la responsabilité des journalistes.
Le pasteur René Léonian raconte à son tour Hrant. Le petit garçon orphelin, le jeune homme, puis le journaliste engagé qu'il connaissait bien. Il dit aussi le courage et la foi de sa veuve, Rakel, lors des funérailles.

Un témoignage bouleversant
Gérard Collomb, le sénateur-maire de Lyon, va conclure en reprenant l'image de la colombe que Hrant avait utilisée dans son dernier éditorial.
Attentif, recueilli, ému, puis serein et déterminé, le public écoute ensuite la chanson « un mort vivant », que Charles Aznavour a dédiée à ceux qui sont victimes de délits d'opinion.
Sur les murs de la salle de réception du Progrès, où tout le monde se retrouve pour partager le verre de l'amitié, toutes les pages du numéro spécial d'Agos sont affichées.

Jeanine Paloulian, Nouvelles d'Arménie magazine, numéro 139, mars 2008

Mise à jour : 2011

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