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Association Culturelle Arménienne de Marne-la-Vallée (France)

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Le lobby arménien aux Etats-Unis,
article de Franck Gaillard, Nouvelles d’Arménie Magazine, numéro 133, septembre 2007

Le lobby arménien a gagné en maturité depuis une vingtaine d'années. Désormais, on parle d'« hyphenated Americans » ou Américains à trait d'union », comme les « Armenian-Americans » ou les « irish-Americans » ou encore les « Africans-Americans ». Retour sur le long parcours des voix arméniennes d'outre-Atlantique des origines à nos jours.

Les massacres de 1894-1896 marquent le début des contacts entre Washington et les premières vagues d'immigrés Arméniens en vue d'obtenir une intervention américaine auprès du Sultan Abdul Hamid II pour venir en aide à leurs compatriotes livrés à eux-mêmes dans les provinces orientales de l'empire malade.
C'est dans cette période trouble que le Congrès américain vote le 27 janvier 1896 la Concurrent Résolution, alors que les premiers comités des partis Hentchak et Dachnak font leur apparition sur la côte-est des Etats-Unis, à Boston, dans le Massachusetts mais aussi dans le sud du pays, au Texas, où le gouverneur de 1892 à 1900 n'est autre que Thomas Corvin-Kessabian, qui deviendra plus tard le ministre des finances américain.
Au tournant des années 1900, les deux partis arméniens accueillent les vagues successives d'Arméniens originaires de l'empire ottoman et d'ailleurs et tentent de dessiner les contours d'une vie communautaire avec églises, clubs et journaux, sur fond de rivalités partisanes. Archak Vramian, Siamento ou encore Simon Vratsian, ces activistes dachnaks envoyés aux Etats-Unis avant la guerre de 1914 pour récolter des fonds et organiser parti et communauté, évoquent dans leurs mémoires et écrits cette première étape de la structuration de la vie arménienne en Amérique et de la sensibilisation de la question arménienne auprès des autorités fédérales. Mais ce n'est pas à proprement parler du lobby. L'universitaire américain Tony Smith a distingué trois périodes dans l'histoire de l'influence des groupes ethniques aux Etats-Unis.

L'entre-deux-guerres et les premiers pas du groupe de pression
Pendant la première étape, de 1910 à 1930, les Arméniens des Etats-Unis sont appelés à soutenir leurs compatriotes en Europe et en Asie en guerre et en proie à la montée du nazisme et du communisme. C'est l'époque de la Légion des volontaires arméniens aux côtés de la Triple Entente et la reconnaissance des massacres des Arméniens en Turquie par le Sénat américain, le 13 mars 1920 (résolution S.359). C'est aussi celle de l'aide à la République indépendante de 1918 avec Armen Garo comme ambassadeur et Chahan Natali, le coordinateur dachnak de l'opération « Nemesis » chargée de liquider les hauts responsables du génocide de 1915.

L'action de la DRA
Sans oublier les actions humanitaires avec la consolidation de l'UGAB, la création de la Croix de secours arménienne en 1910 aux Etats-Unis et les actions diplomatiques (Délégation de la république arménienne, DRA, proche de la FRA et Délégation nationale arménienne, DNA mise en place par Etchmiadzine en 1912 et soutenue par l'UGAB, le PSD Hentchak et les Ramgavars) auprès de l'administration fédérale, dont le consul en poste à Stuttgart s'appelle Levon Dominian.
Après la chute de la République indépendante, les espoirs déçus de l'arbitrage du président américain Wilson en faveur de « l'Arménie de Sèvres », et les divisions qui en découlent entre indépendantistes dachnaks et légitimistes peu ou prou soviétiques, l'action diplomatique est assurée par la DRA, notamment son secrétaire général Vahan Kardashian, qui profite du fait que les Etats-Unis tardent à reconnaître la Turquie kémaliste et la Russie bolchevique pour marquer des points auprès des autorités fédérales.

Règlements de compte
En contact avec la DRA, un Comité américain contre le Traité de Lausanne, voit le jour au Congrès en 1923 dont l'objectif est d'empêcher la normalisation des relations turco-américaines. Celle-ci n'aboutira qu'en 1928, lors d'un vote de ratification du Sénat sensible aux démarches lancées un an auparavant par le Département d'Etat américain auprès d'Ankara. Mais les Arméniens des Etats-Unis ont déjà un autre chantier à l'étude : Le Johnson Reed Immigration Act de 1927 qui limite l'immigration arménienne aux Etats-Unis à 100 personnes par an ! Agitation, mobilisation, les groupes pro-arméniens au Congrès parviennent à ranger les Arméniens dans la catégorie « Réfugiés », ce qui facilite leur accès en masse sur le territoire américain. Cette première période s'achève par une tragédie révélatrice de l'état délétère de la vie politique arménienne.
L'antidachnakisme cultive l'antibolchévisme et vice versa. Résultat : l'archevêque Tourian, soupçonné d'être un agent du NKVD, est abattu dans l'église arménienne à New York le 24 décembre 1933 par deux dachnaks. Ils sont arrêtés, jugés et condamnées à 25 ans de prison. Sept autres personnes sont condamnées pour complicité à des peines plus légères. La FRA n'a jamais revendiqué l'opération, ce nouvel épisode de la guerre que se livrent dachnaks et bolcheviks à l'étranger...

Guerre froide et passage du groupe de pression au lobby
La deuxième période, celle de la guerre froide, fait plonger les organisations dans les sous-sols du monde bipolaire les obligeant à choisir entre le monde occidental dit libre et le monde socialiste dit progressiste. A ce jeu, la DRA, affiliée à la FRA, intensifie, après la conférence de San Francisco (1945) et l'affaire de Kars-Ardahan (1945-1947), ses relations avec le Congrès américain, tandis que les autres partis arméniens sont l'objet d'une surveillance étroite aux Etats-Unis, depuis le schisme Etchmiadzine-Antelias de 1956, lequel coupe les Armenian-American en deux camps.
Sous l'influence de Dro Kanayan, ancien ministre de la défense arménien et membre de la direction mondiale du Dachnak, le Congrès américain met en place le « Comité de solidarité avec les peuples assujettis ». Il s'agit d'une structure de sensibilisation des problèmes des nationalités soumises au joug soviétique auprès des élus américains, dont Steve Derounian, membre du Congrès qui joue l'interface. Outre qu'il auditionne des opposants au régime soviétique, ce Comité est instrumentalisé par l'administration du démocrate Kennedy dans la cadre des rivalités avec l'Est. Les Arméniens peuvent compter sur le soutien de Paul Ignesis-Iknadossian, futur ministre de la marine américaine sous Johnson.
Les années 1960 sont celles du changement. Détente Est-Ouest, cinquantenaire du génocide arménien en RSS d'Arménie et tensions turco-américaines concernant Chypre renversent les alliances stratégiques. A l'issue de son XVIIIe congrès mondial, qui a lieu au Liban en 1963, la FRA prend la décision de créer le Comité de Défense de la Cause Arménienne (CDCA), dont la formation en 1965, qui s'est adaptée à la nouvelle configuration Est-Ouest vient remplacer la DRA, organe trop irrévérencieux envers l'URSS poststalinienne qui tente désespérément de réhabiliter la mémoire nationale des peuples dominés.

Basculement tiers-mondiste
Le CDCA prend différents noms. Aux Etats-Unis, il s'appelle l'Armenian National Commettee of America (ANCA ou plus communément ANC). La FRA se dote de cet outil « politico-diplomatique » et change de braquet. Il ne s'agit plus, détente oblige, de se polariser sur l'indépendance de la RSS d'Arménie mais de lutter pour la libération de l'Arménie turque en appelant à la reconnaissance du génocide de 1915 par la Turquie et la communauté internationale.
Ce basculement tiers-mondiste, les dachnaks ne vont pas l'appréhender de la même manière. Alors que les partis Ramgavar et Hentchak s'alignent sur les changements en cours en URSS, la FRA renferme deux tendances. D'un côté, la droite indépendantiste, nationaliste, pro-Sèvres et antisoviétique ; de l'autre la gauche tiers-mondiste, socialiste, anti-atlantiste et solidaire des opprimés (Vietnam, Palestine, Algérie).
L'ANC s'accommode de ces différences en se fixant sur une ligne neutraliste, celle de l'anticolonialisme, du progrès, de la modernité et du sentiment national. Mais l'écart entre les partis prosoviétiques et la FRA sensible à son unité doctrinale laisse un espace vide aux Etats-Unis que combleront des dachnaks dissidents et autres individualités bien intégrés dans les sociétés occidentales.
A partir de ce tropisme occidental aux couleurs de la défense des droits de l'homme, du rejet du "terrorisme arménien", des libertés fondamentales et de la démocratie, ce groupe comprenant Van Krikorian et Hraïr Hovnanian constituera l'Armenian Assembly of America (AAA) en 1972. Les deux principaux groupes de pressions sont ainsi en place mais ne forment pas à proprement parlé un lobby.

ANC et MA
Leurs premiers pas sont lents, les relations entre l’ANC et l'AAA sont empreintes de méfiance mutuelle. A l'image du CDCA mondial, l'ANC est engagé dans l'action auprès de la Sous-commission des droits de l'homme de l'ONU à Genève et l'AAA construit son réseau auprès du Congrès. C'est au tournant des années 1970 que plusieurs Parlements sont interpellés par la question arménienne.
En Uruguay, les députés franchissent le pas et reconnaissent le génocide de 1915. Aux Etats-Unis, la crise chypriote de 1974 et l'arrivée de Jimmy Carter à la Maison Blanche en 1976 donnent des ailes aux deux groupes de pression. L'invasion de Chypre par la Turquie provoque le gel des livraisons d'armes par Washington qui en profite pour introduire au Congrès en 1975 un texte faisant état de la réalité du génocide arménien (HR 148).
Le 21 octobre 1976, une délégation de l'ANC rencontre le président-candidat Jimmy Carter, dans les salons de l'aéroport de Newark (New Jersey) en vue d'obtenir un soutien de l'administration démocrate au texte reconnaissant le génocide à l'ONU.

Professionnalisation
De son côté, l'AAA consolide ses assises auprès de l'administration républicaine et de l'entourage de Ronald Reagan, dont le gouverneur de Californie, Georges Deukmedjian. Au tournant des années 1980, l'AAA constitue le plus influent des deux groupes. Surfant sur la victoire des Républicains, l'AAA s'installe dans une relation de confiance avec l'administration Reagan a fortiori depuis leur rejet commun des attentats commis aux Etats-Unis par les organisations arméniennes.
Cette bonne entente trouve son apogée en septembre 1984 - peu avant la réélection de Reagan - avec la résolution HR 247 faisant du 24 avril 1985, « la journée nationale du Souvenir de l'inhumanité de l'homme envers l'homme » adoptée par la Chambre des représentants.
Mais après les pressions d'Ankara, la procédure s'arrêtera à la porte du Sénat. Alors que le bloc AAA-Parti républicain tente d'influer la politique turque de Washington en faveur des Arméniens, l'ANC décide de renforcer ses structures. En 1984, il ouvre un bureau central dans la capitale américaine, s'appuie sur deux centres opérationnels, l'un sur la côte-Est, l'autre sur la côte-Ouest et accroît son influence sur l'ensemble du CDCA mondial. Sur place, l'ANC noue d'étroites relations avec le parti démocrate, majoritaire au Congrès et soutient son candidat Dukakis à la présidentielle de 1988 ; comme si mécaniquement, chaque groupe avait choisi son parti.
L'AAA est plus proche du pouvoir et maintient son leadership avec la victoire du vice-président George Bush à la présidentielle de 1988. Mais l'ANC est mieux organisée et s'appuie sur le réseau dachnak et ses affiliations dans plus de 20 états fédérés et près de 30 Etats dans le monde. En août 1987, l'échec à 11 voix près de la résolution HR 192 portant sur la reconnaissance du génocide par les Etats-Unis oblige les groupes de pression à en tirer les leçons.
La première, c'est que la question arménienne a réussi à diviser le Congrès arménophile de l'Administration républicaine plus sensible aux pressions d'Ankara qui s'appuie sur le lobby turc et les branches les plus radicales du lobby israélien aux Etats-Unis. La deuxième, c'est que les deux groupes arméniens prennent conscience que le législateur américain ne peut pas se prononcer sur le génocide arménien au motif qu'il n'a pas ratifié le traité sur la Convention sur le génocide, en raison de l'éradication des Indiens d'Amérique.
Ce sera chose faite en novembre 1988, par Reagan peu avant son départ de la Maison Blanche. La troisième, c'est que les deux groupes de pression frappent encore par leur amateurisme. C'est à cette période que la mutation des deux groupes en lobby prend sa véritable nature. Les lobbyistes arméniens arpentent au quotidien les couloirs du Capitole, les équipes s'étoffent, les méthodes se professionnalisent et le discours est plus rationnel. Ce bilan intervient en pleine perestroïka à Moscou et au moment où les Arméniens du Caucase appellent au rattachement de la région autonome du Haut-Karabakh à la mère-patrie. Le lobby arménien, encore en pleine gestation, va profiter de ce nouveau chantier...

Du stateless diaspora au statebased diaspora : le lobby se professionnalise
La chute de l'URSS et la fin de la guerre froide ouvre la troisième période du lobby ethnique aux Etats-Unis. Et pour les Arméniens, c'est celle de la maturité et du professionnalisme.
Ce changement est essentiellement dû au retour à la souveraineté de l'Etat arménien. Grâce à la renaissance de l'Arménie, les Arméniens de l'exil passent de l'état de diaspora sans Etat à celui de diaspora avec Etat.
En effet, à l'image des Ukrainiens, Baltes et autres peuples affranchis de la domination soviétique, les Arméniens jouissent désormais des avantages que leur procure un Etat reconnu par la communauté internationale pour faire avancer leur cause.
Ils en jouissent d'autant plus que l'administration Bush qui n'a pas encore de politique sud-caucasienne fait a priori confiance à ses Armenian-American pour décrypter les problèmes régionaux. En témoigne, l'adoption de la section 907 du Freedom Support Act qui conditionne l'assistance technique américaine à l'Azerbaïdjan à l'arrêt du blocus de l'Arménie et à la fin de l'agression contre les Arméniens du Haut-Karabakh.
Dans le même temps et c'est là que l'on voit tout l'apport de la diaspora au service d'un Etat : le Congrès américain, sous l'effet du lobby arménien, consacre depuis l'adoption en 1996 du Humanitarian Corridor Act la somme de 11 millions de dollars par an d'aide humanitaire au Haut-Karabakh.

Pomme de discorde
Ce paradoxe de la politique étrangère américaine en direction de l'Arménie permet à Erevan d'être l'Etat de la zone de la mer Noire qui reçoit per capita le plus de subventions de la part des Etats-Unis après Israël, soit 13 250 dollars par habitant pour la période 1990-1999. Le lobby arménien commence à se faire un nom au-delà des cercles arméniens, notamment du côté azéri et turc qui essaient de le contrer en renforçant leur influence à Washington, grâce à la rente pétrolière pour Bakou et à son alliance militaire pour Ankara.
Et pourtant, si l'Etat apporte légitimité et crédibilité au lobby arménien, la politique étrangère de Levon Ter Petrossian va être différemment appréciée par les Armenian-American. L'AAA soutient le régime à Erevan et plusieurs de ses cadres entrent au gouvernement : Raffi Hovannessian, Sebouh Tachdjian et Vartan Oskanian. L'ANC se démarque des positions jugées défaitistes et timorées d'Erevan à l'égard de la Turquie, de la reconnaissance du génocide, de la guerre du Haut-Karabakh, des rapports Arménie-diaspora et de la démocratie.
Politique des trois S
Mais cela ne se voit pas outre mesure, car l'ANC compense la perte d'influence auprès du régime Ter Petrossian, notamment lors de la suspension de la FRA de 1994 à 1998, par d'excellents relations avec l'administration Clinton en place depuis 1992. Les rapports ont changé. C'est désormais l'ANC qui a l'oreille du gouvernement américain même si lors du duel Clinton-Dole en 1996, l’ANC a longuement hésité avant d'apporter son soutien au candidat démocrate. Rappelons que c'est un médecin arménien qui avait sauvé la vie de Robert Dole, pendant la seconde guerre mondiale.
D'où son arménophilie de principe. Toujours est-il que l'on se retrouve dans une situation à nouveau paradoxale avec l'ANC, opposé à Erevan, mais sensible aux démarches de Washington dans sa politique à l'égard de l'Arménie, notamment à propos du peace pipeline, à savoir un projet d'oléoduc Bakou-Erevan rattaché au BTS et BTC (Bakou-Tbilissi-Soupsa et Bakou-Tbilissi-Ceyhan) en guise de victoire de la paix dans le Haut-Karabakh. Projet qui ne verra jamais le jour, Arméniens et Azéris ne s'entendent pas sur les modalités de la paix. D'où la démission de Levon Ter Petrossian en février 1998 et l'arrivée au pouvoir de Robert Kotcharian, qui en réhabilitant la FRA en Arménie, raffermit les liens entre l'Etat et l'ANC et charge le nouveau chef de la diplomatie arménienne, Vartan Oskanian d'en assumer la responsabilité.
Cet ancien lobbyste va s'efforcer de réunifier le lobby arménien aux Etats-Unis autour du partenariat Arménie-diaspora et des trois S : sécurité pour le Haut-Karabakh, soutien à l'action de reconnaissance du génocide par Ankara, solidarité diaspora-Arménie.
Mais cela n'a pas suffi pour obtenir le fameux geste que les Arméniens attendent des Etats-Unis. Peu avant son départ de la Maison Blanche, en 2000, Bill Clinton met son veto à la résolution HR 596 reconnaissant le génocide arménien. L'ANC prend ses distances avec le ticket Clinton-Gore et n'appelle pas à voter en faveur du candidat démocrate à la présidentielle de 2000.

L'épisode du CRAT
Cette diplomatie transnationale de l'Arménie fait partie intégrante de la politique de complémentarité d'Erevan, laquelle se veut un principe asymétrique d'absorption des rivalités stratégiques internationales et régionales. Cette valorisation de la diaspora a été perceptible lors du feuilleton de la Commission de Réconciliation Arméno-Turque (CRAT), ce forum de dialogue arméno-turc mis en place au lendemain du veto de Clinton implique l'administration Bush, les néoconservateurs et l'AAA, qui retrouve son influence auprès du pouvoir exécutif américain. Mais l'AAA paie cher son alignement sur cette initiative américaine, soupçonnée de stopper toute procédure de reconnaissance du génocide par les Parlements nationaux et supranationaux. L'ANC refuse d'intégrer la CRAT et condamne son existence. Depuis 1998, le lobby arménien a élargi son terrain d'action avec une tendance à la réussite : Washington a intégré l'Arménie au Millenium Challenge Corporation, n'a pas le droit de financer la réouverture de la ligne Bakou-Tbilissi-Akhalkalaki-Kars dans le cadre de Silk Road Act (S.2461 et HR3361), multiplie les investissements directs ou indirects en Arménie et apporte son assistance technique et militaire au gouvernement.
Seul bémol, après les attentats du 11 septembre 2001, Washington a abrogé en 2002 la section 907 du Freedom Support Act dans le cadre de la «guerre contre le terrorisme global ». Désormais, Washington distribue une aide militaire équilibrée à Erevan et à Bakou, sous contrôle du Congrès.
Même si près de 40 états fédérés ont reconnu à ce jour le génocide arménien, le président américain use toujours d'un grand art pour contourner le mot « génocide » lors de son allocution adressée aux Armenian-American tous les 24 avril.

Franck Gaillard, Nouvelles d’Arménie Magazine, numéro 133, septembre 2007


La presse arménienne aux Etats-Unis par Krikor Amirzayan
texte mis à jour par l'auteur, pour l'ACAM, en date du 2 avril 2000.

C'est en 1888, dans la ville de Jersey City, dans l'Etat du Jersey, qu'un certain Haïgaz Eghinian fonde la première revue arménienne des Etats-Unis. Sous le titre " Arékag " (aube), le mensuel de très faible tirage devait disparaître dès son quatrième numéro. Nullement découragé, moins d'un an après son échec, Haïgaz Eghinian lançait une nouvelle revue " Sourhantag ", un hebdomadaire qui prendra en 1890 le titre d' " Azadoutioun " (liberté).

Dès janvier 1891, à New York, Barnag Aïvadian lance un bihebdomadaire l' " Ararat " qui cessera dès 1892. Toujours à New York, la revue " Haïk ", éditée à partir de 1891, plus heureuse que l' " Ararat ", tiendra jusqu'en 1898, date de sa dispartion. L'hebdomadaire " Yéprad " (Euphrate), lancé le 2 octobre 1899 cessera dès son quatrième numéro ! La même année, l'infatigable Haïgaz Eghinian, le père-fondateur du journalisme arménien des Etats-Unis, revenait sur la scène de la presse pour lancer, en compagnie de Thomas Tcharsandjian, à New York, l'hebdomadaire " Dikris " (le Tigre). Le journal connaît une audience considérable au sein de la communauté arménienne de la Côte Est, mais bientôt, des dissensions sur les pensées idéologiques entre les co-fondateurs se font jour. Tcharsandjian a une approche pro-Dachnak, tandis qu'Eghinian prône plus ouvertement la pensée Hentchak. C'est le divorce ! Haïgaz Eghinian assumera seul la direction de la publication. Mais le titre en proie à des difficultés financières, tombera entre les mains d'un sympathisant Hentchak qui transformera le nom du " Dikris " en " Tsaïn Haïréniats ". Un journal qui disparaîtra en 1906. En avril 1906, Sourén Bartévian crée une nouvelle revue, " Azk " qui deviendra dès septembre 1908, l'organe officiel du parti Ramgavar des Etats-Unis. Infatigable serviteur de la presse arménienne du Nouveau Monde, Haïgaz Eghinian laissera New York pour s'installer à Fresno, petite bourgade " arménienne " de la banlieue de Los Angeles, baignée sous le soleil de la Californie. Une Californie qui devenait l'attrait de la nouvelle migration arménienne en direction des Etats-Unis. Le 19 août 1902, Haïgaz Eghinian lancera à Fresno, le premier journal arménien de la Côte Ouest des Etats-Unis, l'hebdomadaire " Kaghakatsi " (Citoyen).

En 1915, Eghinian diffuse une autre revue, le " Nor Giank " (Nouvelle Vie) qui cessera le 25 mars de la même année avec la disparition de son fondateur. D'autres publications vont continuer cette tradition de la presse arménienne aux Etats-Unis, mais toutes -ou presque- connaîtront un sort semblable : la disparition rapide. En 1899 le Pasteur Santikian, avec le soutien actif des missionnaires Américains, éditera " Gontchag ", un titre qui deviendra hebdomadaire en 1905 et connaîtra une diffusion importante auprès de la communauté arménienne des Etats-Unis. En 1905 également, S.Minassian lance le journal "Louys " (Lumière) qui s'éteindra quelques années plus tard avec le retour de son principal rédacteur dans sa ville natale Constantinople.

C'est aussi en 1905 qu'Archag Der Mahdessian, lance " Ardziv " (Aigle), une publication irrégulière qui cessera en 1908. Archag Der Mahdessian avait en 1904 participé au lancement de la revue " Arménia " proche du mouvement Hentchak. Le parti Hentchak -très puissant au début du XXe siècle, dont l'un des militants, Sabahgulian, avait en 1903 commencé la publication à New York de " Yeridassart Haïastan " (Jeune Arménie). Dès 1911, le parti Hentchak lance à Boston, le journal " Bahag " (Garde) sous la rédaction du célèbre publiciste Hratch Yervant. Très vite, " Bahag " fusionne avec " Azk " pour prendre le titre d' " Azk-Bahag ". Mais le mariage n'est pas heureux et l'existence est éphémère. Ses journalistes rejoignent aussitôt le parti Ramgavar qui publie à Boston le célèbre quotidien " Baykar ". Cette édition deviendra l'organe du parti arménien (Ramgavar-Azadagan). En 1925 Lévon Lulédjian fonde à Fresno, l'hebdomadaire " Mechag " qui sera publié jusqu'en 1959. Un autre titre, " Haïrénik " (Patrie) est l'un des deux journaux qui marquèrent le plus, la presse arménienne des Etats-Unis. Fondé à New York le 1er mai 1899 par Thomas Tcharsandjian, le transfuge de " Dikris ", la rédaction transféra son centre à Boston en 1900. Parution irrégulière à ses débuts, puis hebdomadaire dès 1908, " Haïrénik " devient quotidien en 1915.

Les signatures les plus prestigieuses de la nouvelle diaspora arménienne furent portées dans ses colonnes, parmi elles, Siamanto et Simon Vratsian. Dès 1934, " Haïrénik " dirigé par le puissant parti FRA Tachnaktsoutioun, édite également un hebdomadaire, " Haïrénik Weekly " qui deviendra " Armenian Weekly ". En 1948, un quatrième titre des éditions de " Haïrénik ", l' " Armenian Review " viendra compléter la collection. Un autre journal important, l' " Asbarez " né à Fresno en 1908 devient dès 1916, l'organe de la FRA Tachanktsoutioun de la Côte Ouest. Aujourd'hui encore, le quotidien paraît à Glendale (Californie). " Haïastani Gotchnag ", aujourd'hui disparu, eut également un rôle essentiel sur la pensée de la communauté arménienne des Etats-Unis. Tout comme " Nor Achkhar ", " Baykar " l'hebdomadaire du parti Ramgavar, et " Nor Or " du même parti arménien. Deux titres qui continuent encore leur parution. Parmi les publications culturelles et littéraires, " Piunig " (1918-1923) fut l'un des plus marquants par la qualité de ses articles. Tout comme " Nor Kir ", revue essentiellement littéraire à laquelle collaborèrent de 1934 à 1954 les plus grandes signatures de la diaspora.

Plus marginales, d'autres éditions comme " Kordzavor " (1924), Panvor (1922-1924), " Prolétar " (1924-1926), " Nor Achkhar " (1930-1938) qui étaient des journaux ou organes des partis communistes ou travaillistes, n'eurent pas des diffusions importantes aux Etats-Unis, pays du capital... D'autres publications, de moindre importance, souvent locales ou régionales, firent également leur entrée dans le paysage de la presse arménienne des Etats-Unis. On notera parmi ces derniers, les noms de " Kermanig " (1930), " Nor Tchenkouch " (1930-1931), " Giurini Houch ", " Nor Guéssaria ", " Dziadzan " (à San Francisco), et " Satayél ", journal satirique paraissant à New Jersey. " Pejichk "(Médecin) à Boston, " Tadavor " (Juge) à Détroit, " Nor Chavigh ", l'hebdomadaire " Arévdour " (Commerce) et " Dahmina " un journal turc, utilisant l'alphabet arménien !

" The Armenian Litterary " et " Political Monthley " furent parmi les premières publications arméniennes en anglais. Aujourd'hui, la presse arménienne des Etats-Unis, dynamique et nombreuse, offre un paysage varié de plus d'une cinquantaine de titres (voir tableau). Depuis le début des années 1970, les nouvelles publications sont pour leur large majorité indépendantes des partis politiques arméniens qui voient leur rôle et leur influence se réduire au sein de la communauté arménienne. Parmi elles, "Nor Guiank", un hebdomadaire indépendant lancé en 1978 par Krikor Chénian est aujourd'hui le plus lu et le plus volumineux des publications arméniennes des Etats-Unis, avec des tirages dépassant 20 000 exemplaires. Cette presse dont une bonne part est publiée à Los Angeles, en Californie, est chaque jour un peu plus anglophone.

La presse arménienne des Etats-Unis, ne serait-elle pas condamnée à devenir anglophone devant la baisse constante de son lectorat arménophone? Même si les récents mouvements migratoires venant du Moyen-Orient et surtout d'Arménie, maintiennent par vagues successives un lectorat maîtrisant l'arménien. L'arrêt de ces vagues, pourrait signifier aussi le péril annoncé de la presse arménienne des Etats-Unis.

Presse arménophone - Classement par date de création

TitreFondationTendanceParutionSiège
Haïrénik1899 FRAquotidienBoston
Yéridassart Haïastan 1902HentchakmensuelNew Jersey
Asbarez - (photo) - Site internet1908FRAquotidienGlendale
Houcharar1912UGABmensuelNew Jersey
Nor Or - (numéro du 24/06/2010, pdf)
  • Nor Or Publishing Association
  • 1901 N. Allen Ave., Altadena, CA 91001
  • Rédaction (626)296-2921, Telecopie : (626)296-2922
  • courriel : nor-or@sbcglobal.net
1922RamgavarhebdoPassadena
Baykar1922RamgavarhebdoBoston
Lraper1936ProgessistehebdoLos Angeles
Katch Nazar1970IndépendantpériodiqueGlendale
Nor Séround 1975 IndépendantmensuelLos Angeles
Nor Guiank - (photo)1978IndépendanthebdoGlendale
Massis - (photo)1981Hentchak hebdoPassadena
Navassart1982IndépendantmensuelGlendale
Paros1984Indépendantbi-hebdoLos Angeles
Hay Guiank 1985IndépendanthebdoGlendale
Yergounk1989IndépendantpériodiqueLos Angeles
Avedaper - (photo)    
Hye Sharzhoom - (photo)1978UniversitairepériodiqueFresno
Nor Hayastan - (photo)    

Presse de langue anglaise - Classement par date de création

TitreFondationTendanceParutionSiège
Armenian Mirror    
Spectator1922RamgavarhebdoBoston
Armenian Weekly1938FRAhebdoBoston
Armenian Review1948FRAtrimestrielBoston
California Courrier - (photo1) - (photo2)1958IndépendanthebdoGlendale
Ararat1959UGABtrimestrielNew Jersey
Armenian Reporter1967IndépendanthebdoNew York
Armenian Observer1970IndépendanthebdoLos Angeles

Krikor Amirzayan

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