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Association Culturelle Arménienne de Marne-la-Vallée (France)

Diasporas - Syrie

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Syrie, l'un des derniers bastions

Article d’Armineh Johannes, UGAB Magazine, sans date

Les 74 membres de la chorale Kenar, sous la direction de Shant Kechichian, sont en train de régler les derniers préparatifs de leur concert annuel qui cette année encore devrait rassembler plus de 1500 personnes. Cet ensemble vocal qui a fait ses débuts il y a 40 ans, a eu l'honneur d'être invité à chanter lorsque le Pape a rendu visite au pays en 2001. Les Arméniens de Damas sont à l'image de cette chorale. Très actifs. Et très fortement impliqués dans la vie culturelle.
Une petite communauté arménienne existait déjà à Damas au XVIe siècle, date de la construction de l'Eglise St Sarkiss à Bâb Tourna, le quartier chrétien de la capitale. A la suite du génocide, dans les années 1920, environ 20 000 rescapés y ont trouvé refuge. A présent, sur les 80 000 Arméniens de Syrie, seulement 6000 habitent Damas. Il n'y plus de véritable quartier arménien dans la capitale. Et depuis les années 1980 marquées par une flambée des prix de l'immobilier, de nombreux Arméniens se sont installés à la périphérie est de la ville, à Jaramana. Aujourd'hui ce quartier compte environ 1000 Arméniens, pour la plupart commerçants : droguerie Araxe, pâtisserie Shimshirian, Baron Hagop meats (fabrique de basturma), fabrique de lahmajoun des frères Kasserjian, et plus de 30 joailliers...Pour le moment, les Arméniens de Jaramana n'ont pas d'école dans leur quartier et ils se voient obligés de fréquenter une des 5 écoles arméniennes de Damas. Mais l'association Hamazkaïn projette la construction d'une école et un agoumb (club) dans le quartier.

Sarkis Kéchichian
La communauté arménienne de Damas compte dans ses rangs quelques très fortes personnalités qui ont réussi à se faire une une belle place dans les affaires. Parmi elles, on relève notamment les noms de Sarkis Kéchichian, un self-made-man réputé pour sa dévotion envers sa communauté, et de Puzant Yacoubian et fils, connus pour leurs affaires de construction et leur fortune. Grâce à ses études à l'école des travaux publics de Paris, ce dernier a réalisé de grands projets, comme la construction du Parlement syrien, l'amphithéâtre de l'Université de Damas, l'autoroute Damas-Homs, la route de l'aéroport, le Palais de Justice... Nazareth, un des fils Yacoubian, en qualité de directeur de la Chambre de commerce Syrienne, faisait partie de la délégation présidentielle qui a rencontré le Président Chirac à Paris il y a quelques années. Aujourd'hui, les fils Yacoubian représentent plus de 30 sociétés en Syrie, dont Samsung, Nokia, Alcatel, Kodak, Michelin etc...
Malgré son petit nombre, la communauté de Damas est divisée entre les deux catholicosats de l'église arménienne. La majorité est affiliée à Etchmiadzine, mais une minorité dépend toujours d'Antilias, ce qui est parfois source de désagréments entre les deux groupes. Lorsque l'on interroge à ce sujet l'Archimandrite Yeprem Sarkissian qui agit en qualité de prélat (en l’absence d'un nouveau titulaire qui tarde à être nommé), il se sent mal à l'aise et prend une attitude défensive. « Depuis 1500, la Syrie fait partie du Catholicosat de Cilicie. Cette séparation entre Alep et Damas plonge ses racines dans les différends politiques qui sont survenus en 1956, et la présence des séculiers dans l'église. Aujourd'hui, il n'y a pas de véritable chaleur entre les deux communautés, mais j'ai l'espoir que cela passera un jour et que tout deviendra normal », dit L'archevêque Souren Kataroyan d'Alep (du catholicossat d'Antilias).

Nationalisation des écoles
Pour faire face aux difficultés financières, les écoles arméniennes de Damas sont aujourd'hui obligée d'accueillir des enfants arabophones, à tel point que parfois les enfants arméniens deviennent minoritaires dans leur propre milieu. « A la suite des mouvements migratoires vers les USA, l'Europe et le Canada, la diminution du nombre d'élèves dans les écoles se fait de plus en plus sentir », dit Simon Libarian, ingénieur de profession et député des Arméniens au Parlement syrien depuis 1994. L'école catholique arménienne compte 1 200 enfants dont environ 120 Arméniens, soit 10%. Il y a des élèves qui n'ont pas la possibilité d'acquitter les frais de scolarité qui sont entre 5000 et 6000 livres syriennes, mais les écoles arméniennes ne les refusent pas.
En 1967, l'état Syrien a proclamé la nationalisation de l'enseignement obligeant toutes les écoles confessionnelles à fermer leur porte. Ce n'est qu'en 1970 que quelques-unes d'entre elles ont pu rouvrir, sous certaines conditions. Aujourd'hui, elles assurent 6 heures de cours d'arménien par semaine auxquelles s'ajoute la liturgie qui continue d'être enseignée dans la langue de Machdtots. Mais les leçons de catéchisme se font en arabe. « Il existe aussi une communauté arménienne arabophone à Damas et à Alep pour qui l'église catholique arménienne célèbre une messe supplémentaire en arabe », précise Mgr. Arnaoutian, évêque des Arméniens catholiques de Damas.

Un seul député arménien
Parmi les conséquences de l'émigration, l'on peut aussi citer la diminution du nombre des députés arméniens au Parlement. « La communauté arménienne avait 2 représentants jusqu'en 1974. Mais comme, selon la loi, on a droit à 1 député pour 50 000 personnes, depuis cette date les Arméniens ne disposent plus que d'un seul parlementaire », regrette le député Libarian. Les autres communautés du pays, comme les Kurdes, et les Assyriens, n'ont pas de député. Simon Libarian, né à Alep et élu dans cette ville représente néanmoins tous les Arménien du pays. «J'ai été élu, dit-il, sur la liste des députés libres qui comptait douze candidats. 44000 voix se sont portées sur mon nom. On peut donc dire que je suis élu grâce aux voix des non Arméniens ! ». Dans les souks de Damas, le voyageur arménien est très bien accueilli. On entend souvent les Syriens dire qu'ils ont beaucoup d'estime et de respect, pour leurs compatriotes arméniens. Ils bénéficient de certaines libertés accordées dans le cadre d'un système séculaire. Par exemple, bien que 1e vendredi soit le jour férié dans le pays les Chrétiens ont le droit de fermer écoles, magasins et usines le dimanche. Cependant, la communauté arménienne, comme les autres communautés du pays doit se plier à quelques restrictions imposées par le système. Le scoutisme est interdit depuis 1986 ; les conséquences de la nationalisation des écoles en 1967 continuent de se faire sentir. Et pas question d'organiser de défilés à l'occasion du 24 Avril. Pour ne pas heurter le voisin turc, les commémorations se font à l'intérieur d’ »agoumbs » (club). Et pour faire un speech ou organiser un colloque dans un « agoumb », une autorisation du ministère de l'information est nécessaire. En 2002, un des clubs arméniens avait obtenu l'autorisation d'inviter un historien pour parler de l'histoire du Karabagh. Mais la conférence a finalement été annulée. Motif ? Une plainte du Consulat de Turquie !


Alep : en légère baisse
Une maison du camp de réfugiés appelé Kastal Harami (Giuruntsineri camp), non loin du quartier Arménien de Midan (= nor guigh), est toujours debout. Elle est habitée par Hagop Poladian et sa femme Marie. C'est un bâtiment de deux étages construit en bois autour d'une cour central. Il est totalement délabré. Hagop et Marie ont une seule pièce qui fait office de salon et de chambre Ils y habitent depuis plus de 50 ans. Hagop tient un magasin en bas de chez lui, où il vend du poivre rouge moulu (Halebi bibar). Les autres habitants du "campement " ont été relogés dans le quartier Midan, une zone populaire majoritairement arménienne.
« Lorsque nous sommes arrives ici, on a été logés dans des baraquements de réfugiés en bois avec des toits en zinc, dans les quartier de Soleimanieh, Hamidie, Jabrieh... les gens venus du même village étaient en principe regroupés dans un même camp, les Marachtsis avec les Marachtsis, les Sébastatsis avec les Sébastatsis etc... On avait creusé des puits pour avoir de l'eau potable, et on utilisait des lampes à essence pour nous éclairer...Quand il pleuvait, l'eau coulait dans les pièces à travers les orifices du plafond... Puis petit à petit les gens ont commencé à construire des maisons par leurs-propres moyens et certains ont pu quitter les camps de réfugiés », se souvient George Baliozian, originaire d'Aintab, et aujourd'hui âgé de 92 ans.
Dans la journée, le quartier de Midan connaît un va et vient exceptionnel : voitures essayant de circuler dans les rues étroites du quartier, marchands ambulants vendant du pain ou autres produits alimentaires... Le linge sèche sur tous les balcons, créant un défilé de tissus multicolores... Les écoliers aux uniformes de diverses couleurs se précipitent vers leurs écoles. Les femmes avec leur sac de course vont acheter du soujough et du basterma (souvent suspendu devant les boucheries pour sécher)... Et à cette effervescence s'ajoute le vacarme des garages et des carrossiers qui se trouvent concentrés dans ce quartier de la ville et sont tenus par des Arméniens... Ceux d'entre eux qui ont atteint un certain niveau de réussite sociale quitte le Midan pour des quartiers un peu plus « chic » tels qu’Azizieh et surtout Seyrafi appelé aussi « les Villas». C'est à la deuxième moitié du XVIe siècle que les Arméniens sont arrivés à Alep en nombre important. Mais déjà au XVe siècle et peut être bien avant, on trouve des traces de présence arménienne dans cette ville. La première église arménienne d'Alep - 40 Manouks - a été construit au XVe siècle par des gens venus de Cilicie, de Marache et de Zeytoun, et puis de Julfa en Arménie. Plus tard, Alep a connu des vagues successives d'émigrations arméniennes, du milieu de XVIe siècle, au XVIIIe et au XIXe... Finalement, la dernière d'entre elles a eu lieu après le génocide, en 1921-1922. C'est à cette date que les Arméniens qui ont trouvé refuge à Alep, se sont installés dans des campements.

Boyadjian Carpet Co
Aujourd'hui la ville d'Alep compte environ 45 000 Arméniens. Ils constituent la plus grande minorité des dix communautés chrétiennes présentes dans la ville. Outre Alep et Damas, il y a une forte communauté Arménienne à Kamishly et Hassake, dans le Djézireh, (…). Avec 14 écoles, autant d'églises et une dizaine d'agoumbs et d'associations culturelles et sportives, la communauté arménienne d'Alep tente de survivre en dépit de son affaiblissement numérique.
A l'image des Arméniens de Damas, Alep compte à son actif un certain nombre de réussites à l'instar du « Boyadjian carpet co », propriété de Kevork Boyadjian qui possède plusieurs usines de tissage de tapis, de moquette et de tissus, et emploie environ 300 salariés. Ses tapis sont exportés au Liban, en Jordanie, à Dubaï, aux USA, au Canada et en Russie. Boyadjian détient 3 magasins à Alep et il en a ouvert un à Damas. Il attribue la raison de son succès à son acharnement et à son travail : « je commençais à 5 heures du matin et rentrais à minuit à la maison. Parfois je dormais dans l'usine, et c'est ainsi que j'ai réussi », affirme-t-il.

La zone industrielle d'Alep compte environ 500 usines, dont 50 appartiennent à des Arméniens. Les Stamboulian ont une usine de caoutchouc, Puzand Tehvanian une usine d'Arak, les Anbarjian possèdent une usine de klaxons de voiture, Hagop Hagopian une usine de plastique. D'autres ont réussi à se faire un nom dans des domaines plus originaux : Mazloumians (l’historique hôtel Baron) ou encore le Dr. Robert Djebejian (décédé) qui a été a l'origine du premier hôpital ophtalmologique du pays, fondé en 1948. Outre son hôpital, le Dr Djebejian avait également édifié une bibliothèque qui porte le nom de sa première épouse « Violette Djebejian ». On peut y trouver des journaux arméniens tels qu’Eprard, Ararat, Arevik, Gantzassar publiés à Alep entre 1927 et 1963 ainsi que des journaux arméniens du Liban comme Zartong, Naïri ; les six éditions de Gegharts (almanach annuel publié par Dr. Djebejian,), des milliers de livres, dont une centaine datant du XIXe siècle, une riche collection des photographies de la vie alépine prises par le photographe Daronian, datant de 1930 à 1940, ainsi que d'autres photographies anciennes de famille anonymes. Outre les livres en arménien, la bibliothèque possède aussi des livres en français, en arabe et en anglais. Djebejian, sous la direction et l'influence du peintre Armenak Missirian, avait peint une vingtaine de toile, et son amour pour la peinture l'avait poussé à acheter quelques tableaux de Carzou, Sarian et de Missirian Aujourd'hui, la veuve de Djebejian, Louisa, dirige la bibliothèque.

Le Parlement joue la prudence
Comme à Damas, les Arméniens d' Alep souffrent des conséquences de l'émigration. « Nous pensons à fondre 5 de nos écoles en une seule, car nous avons d'énormes difficultés financières », dit l'archevêque Souren Kataroyan, le Prélat des Arméniens.
« Aujourd'hui, le défi majeur à relever pour la communauté arménienne d'Alep et de la Syrie en général, est de pouvoir sauvegarder son identité. Environ 1/3 des Arméniens catholiques à Alep sont arabophones. Certains originaires de Mardine et de Djézirgh ont perdu la pratique de la langue arménienne... Cependant ils restent attachés aux traditions et à l'Eglise. Nous devons tout faire pour préserver notre arménité, dit l'Archevêque Betros Miriatian d'Alep. « Quant à la question de la reconnaissance du génocide, le Parlement syrien joue la prudence. Nous avons présenté notre requête pour la reconnaissance du génocide. Mais le Parlement ne l'a pas encore mise à son ordre du jour. Même si de facto en nous accueillant dans leur pays, ils ont reconnu le génocide », affirme le député Libarian.

Armineh JohannesUGAB Magazine, sans date


Kessab, village arménien en Syrie

Photos d'Anahide Pilibossian prises dans le cadre du chantier de Terrre et Culture.

Kessab, Vue du village --- Cliquer pour agrandir
Kessab, Vue du village
Kessab, Maison traditionnelle arménienne --- Cliquer pour agrandir
Kessab, Maison traditionnelle arménienne
Kessab, temple protestant arménien --- Cliquer pour agrandir
Kessab, temple protestant arménien
Kala-Douran, près de Kessab --- Cliquer pour agrandir
Kala-Douran, près de Kessab, église arménienne

Eglises en Syrie

Deir-el-Zor --- Cliquer pour agrandir
Annie Pilibossian, Présidente de l'ACAM,
allume une gerbe de cierge dans l'église-martyrium arménienne de Deir ez-Zor,
de la part des membres de notre Association et tous les amis (été 2004).
Ancienne église de Deir-el-Zor --- Cliquer pour agrandir
Ancienne église de Deir-el-Zor
Deir-el-Zor Projet --- Cliquer pour agrandir
Le projet de la nouvelle église de Deir-el-Zor, architecte Sarkis Balmanoughian
Deir-el-Zor Projet --- Cliquer pour agrandir
Nouvelle église de Deir-el-Zor
Deir-el-Zor Projet --- Cliquer pour agrandir
Intérieur de la nouvelle église de Deir-el-Zor
Deir-el-Zor Projet --- Cliquer pour agrandir
Flamme éternelle devant un khatchkar
Cheddadeh, désert de Syrie, tombeau de 60.000 Arméniens --- Cliquer pour agrandir
Cheddadeh, désert de Syrie, tombeau de 60.000 Arméniens

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