Commentaire :Mon petit ouvrage est un premier et timide essai de présenter à mes lecteurs les principaux hommes de lettres ottomans par ordre chronologique, d'indiquer les oeuvres qui leur ont valu le rang qu'ils occupent dans l'histoire de leur pays, et d'y ajouter quelques notes biographiques. Il n'a qu’un mérite, un bien faible mérite : il est le premier qui tente de réunir toutes les célébrités de la littérature turque osmanlie, c'est-à-dire, les poètes, les prosateurs et les historiographes, sous le titre de "Essai sur l'Histoire de la Littérature Ottomane,,, Dans son excellent travail intitule "A History of Otto¬man Poetry,,, London 1900-1905, E.J. W. Gibb dit avec raison: "Un ouvrage complet sur l’histoire de la littérature ottomane n'existe ni en turc, ni en aucune langue européenne.,. Pourquoi E.J. W. Gibb lui-même qui, grâce à sa profonde connaissance de la langue turque, a traduit et analysé si magis¬tralement quantité de vers turcs , qui nous a légué de si riches détails biographiques , pourquoi exclut-il de ses volumes les prosateurs ottomans ? Pourquoi .dans son volumineux ouvrage, Haminer fait-il passer devant les yeux du lecteur la innombrable de grands et de petits poètes, sans associer à leurs noms ceux des prosateurs? Même les rares ouvrages des auteurs turcs sur la ^littérature ottomane, les "Tezkiret-uch- Chouara,, (Biographies des Poètes), ne sont que des dictionnaires biographiques sur les versificateurs. Aucun ouvrage ne mentionne les prosateurs, excepté la petite brochure en turc d'Abdul-Haliin Memdouh Bey, qui porte le titre pompeux de " Tarikh-i Edebiyat-e Osmaniyc,,. (Histoire de la Littérature Ottomane), Constantinople 1506, petit in-8, pp. 134, et dans laquelle l'auteur ne cite qu'une vingtaine de littérateurs ! Comment expliquer cette omission volontaire ? Dans son origine, la littérature des Turcs, comme celle de tous les peuples qui ont cultivé les lettres, s'attache à la poésie; et lorsque plus tard des écrivains de marque, comme Sinan Pacha, avaient tracé une voie glorieuse à la prose, leurs nombreux successeurs ont presque tous continué à cultiver' exclusivement la poésie. Je n'ai pas la prétention de présenter aujourd'hui un ouvrage complet, dans le vrai sens du mot ; je n'ai fait qu’une première tentative par laquelle je désire rendre un hommage bien faible aux prosateurs comme aux poètes dans ce petit ouvrage "Essai sur l'Histoire de la Littérature Ottomane Je me réserve pourtant pour l'avenir la. publication d'un travail analogue à celui de " Geschichte der osinanischen Diclitknnst,, de flammer Purgstall, tout en le complétant par des détails sur les prosateurs. Je fais donc un appel chaleureux aux écrivains éminents de notre époque et je les prie de vouloir mettre leur lumière à ma disposition ; en me prodiguant leurs conseils et en m'adressant leurs ouvrages, ils m'aideront puissamment à combler les lacunes de mon premier essai. à rectifier les erreurs gui auraient pu s'y glisser -et à accumuler les matériaux pour ma future entreprise. Je con/esse que ces auteurs contemporains ont trouvé en moi un panégyriste bien impuissant; c'est à l'avenir et à une plume plus habile que la mienne qu'il appartiendra de rendre J'honneur et la gloire qui sont dus à leurs talents et à leur labeur. Je tiens ici à remercier hautement et sincèrement Son Altesse, le très sympathique Prince Sabaheddine, d'avoir bien voulu mettre à ma disposition sa riche bibliothèque dans laquelle j'ai glané abondamment. J'ai en outre trouvé de précieux renseignements dans les articles bibliographiques de M. M. Belin, Blanchi, Barbier de Mcynard et Huart, publics dans le "Journal Asiatique. Lors de mon dernier séjour à Constantinople, j'ai également puisé dans ^inestimable collection de livres et de manuscrits de la Bibliothèque de la place Jtayézyd.. Le commencement de la littérature ottomane remonte à la fondation de /'Empire même: ainsi Achù] Pacha, un des fonctionnaires du sultan-Osman I, a écrit des vers. Méhemmed I et plusieurs sultans dans le courant des siècles ont écrit des vers sous un pseudonyme; j'aurai l'occasion de les citer dans la suite de ce travail. Mais la vraie littérature, c'est-à-dire, la création de la langue littéraire ne commence qu’avec Ahmed Pacha; elle est perfectionnée par Fouzouli, le grand poêle de l'amour; immédiatement après Fouzouli, viennent Jjai/i, plus tard Ncii, Nabi,. Ncdym, Clieïkli Glialib, etc. Sinan Pacia gui a vécu un siècle avant Fouzouli, est le père de la littérature prosaïque ,-Qotchi Bcy tient le second rang cou/me prosateur. Tandis que /es anciens auteurs- subissaient l’influence du persan et de l'arabe, les écrivains modernes sont entrés dans une voie toute nouvelle en imitant l'Europe et particulièrement la France. Je ne vois donc aucun inconvénient de faire avec E.J. W. Gibb, avec Fazy et Memdoun,(i deux grandes divisions: L'ECOLE ANCIENNE ou Ecole Asiatique, (qui commence en 1300 et /finit en 1839, et L’ECOLE MODERNE ou Ecole Européenne, qui commence avec Chinaci, spécialement avec sa traduction des poésies françaises, en 1859. L'âge //'or de la littérature ottomane est le seizième siècle; mais l'Ecole Moderne, j'ose le dire, est supérieure à cette époque; elle a créé des célébrités comme Chinaci, Kémal //rr, /.iya Pacha, Aldul-Jfat/ llamid. Ter fit] h'ikret, Djénab Cliéliaheddine, Mehmed Emine, hmaïl Se/a, Hussein Djahid, Klialid Zivci, Sczaï et tant d'antres. Je diviserai ensuite l'Ecole Ancienne en deux époques : Epoque Ancienne et Epoque Moyenne. Pour faciliter la recherche de certaines dates, je donnerai en tête de mon ouvrage la liste des Sultans Ottomans avec la date de leur naissance, celle de leur avènement ainsi t/ite celle de leur mort, et je la ferai suivre d'un tableau analytique sur les auteurs cités dans ce travail. Les dates, indiquant l'époque de la publication des ouvrages cités dans ce petit livre sont celles de l/'hégire. K. J. Basmadjian Paris, 1 Septembre 1909 9, Rue Gazan |