Un livre passionnant, à offrir pour les fêtes et valable depuis l'enfant de 12 ans jusqu'au grand-père. Aussi nous ne vous révélerons pas l'histoire, elle appartient à l'auteur. Mais nous vous révélerons l'esprit dans lequel William Dalrymple a écrit ce gros livre, agréablement imprimé sur beau papier, avec des vignettes et quelques photographies dont celles de la dernière cité arménienne de la ville martyre de Diyarbakir, les deux derniers moines du monastère de Salah, la transformation d'une cathédrale arménienne en mosquée par les Turcs d' Urfa et d'autres lieux plus vivants et mieux préservés.
Journalisme
L'auteur est un journaliste, aussi c'est en journaliste qu'il va vivre, parcourir et découvrir l'histoire. De plus, William Dalrymple est un écrivain spécialisé dans les récits de voyages, ce qui lui a valu déjà différents prix. Mais comme il possède également une formation d'historien, ses analyses, quoique racontées sous forme de roman, contiennent un solide fond d'authenticité, avec pour avantage la simplicité bon enfant de sa parole, qu'accompagné la diversité des sujets qui furent l'objet de ses différentes découvertes archéologiques ou sociales (quoique le mot constat conviendrait mieux, la découverte étant toute relative et due à l'esprit critique et de recherche de dialogue de l'auteur).
Vieux chrétiens
Ainsi William Dalrymple part-il d'Ecosse, et après avoir passé par le Mont Athos en juin 1994 s'enfonce-t-il dans le Proche-Orient. Utilisant les transports locaux, ou à défaut louant des taxis, mais toujours mêlé au peuple, chaque pas en avant qu'il fera en vivant à la vitesse ancestrale des caravanes, lui permettra de se plonger dans la vie quotidienne des lieux, de déceler les racines des us et coutumes, et surtout de les remonter jusqu'au passé. William Dalrymple a pris pour fil conducteur un vieux récit, écrit vers l'an 500 après Jésus Christ " Le pré spirituel ". Puis empruntant les pas de Jean Moschos et de son disciple, il reprend le même parcours au travers de ce qui est devenu la Grèce, la Turquie, la Syrie, le Liban, Israël et l'Egypte. Sur son chemin il rencontrera de vieux chrétiens de toutes origines, protestants, orthodoxes, catholiques, qui survivent plongés dans le monde musulman.
Asie mineure
Grecs et Arméniens sont devenus par le fait historique les gardiens de la mémoire, d'une mémoire que d'autres veulent oublier, effacer. Mais pour rappeler ce glorieux passé, il y a encore quelques ruines. Des ruines de ruines, certes, qu'il est parfois interdit de relever. Alors William Dalrymple témoigne, et il fait témoigner ceux qu'il rencontre. Le récit est de ce fait d'autant plus passionnant, car le journaliste fait le plus souvent surface et William Dalrymple s'entretient avec différentes sommités, mais aussi avec des gens du peuple. Un récit de voyage qui couvre l'Egypte méditerranéenne, le Proche-Orient en passant par différents points de l'Asie Mineure.
Turcomans
Les envahisseurs arabes, suivis par les turcomans venus en cavaliers pour des razzias, vont se glisser dans la peau des Grecs, des Romains, des Arméniens et vont même finir par persuader les Palestiniens qu'ils sont arabes. Mais les conversions forcées laissent des traces que notre conteur relève.
Ajoutons que ce long parcours dans les bastions survivants de l'univers monachique chrétien du Moyen-Orient se fait en total partage de la vie, des émotions de l'auteur, au fur et à mesure de la progression de son périple. Et que c'est un compagnon de voyage très agréable, simple quoique érudit, plein de curiosité, d'humour, capable de s'émouvoir, tout en ayant un regard d'historien à travers le temps et l'espace.
Christian Germak, Nouvelles d'Arménie Magazine, numéro 82, janvier 2003