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Association Culturelle Arménienne de Marne-la-Vallée (France)

Anaïd DEMIR

L'auteur

Anaïd DEMIR --- Cliquer pour agrandir
Anaïd Demir est critique d'art et journaliste (elle fait partie de la rédaction du magazine Jalouse). Après une maîtrise d'histoire de l'art à la Sorbonne , « Perec et l'Oulipo à travers l'oeuvre de trois artistes actuels: Claude Closky, Guy Limone et Jean-Jacques Rullier », elle débute dans la presse artistique à Technikart en 1995.
De 2001 à 2007, elle est chargée de l'art contemporain à la rédaction du Journal des Arts, ensuite elle assure la rédaction en chef de Be Contemporary (2007-2009).
Elle a, à ce jour, rédigé une dizaine de monographies de jeunes artistes et a été à plusieurs reprises commissaire d'exposition pour La Blanchisserie à Boulogne, en 1999 et 2005, et co-commissaire pour Global Tekno, La Beauté en Avignon. Elle a réalisé une douzaine de reportages télévisés faisant chacun le portrait artistique d'une grande ville du monde et assure des chroniques artistiques sur les ondes de Radio Nova.
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Livre numéro 2482
Anaïd DEMIR --- Cliquer pour agrandir Maison-mère
Titre : Maison-mère / auteur(s) : Anaïd DEMIR -
Editeur : Plon
Année : 2022
Imprimeur/Fabricant : Nord Compo - Villeneuve d'Ascq
Description : 13,5 x 21 cm, 205 pages, couverture illustrée en couleurs
Collection : Hiver littéraire
Notes :
Autres auteurs :
Sujets :
ISBN : 9782259310451
Bibliothèques : Consultable à la Bibliothèque de la Cathédrale apostolique arménienne, Paris
Prix : 18,00 euros
Achat possible sur : Amazon

Commentaire :

À travers le récit littéraire et poétique d'une famille française d'origine arménienne affleurent les questions d'immigration, d'intégration, de transmission, mais aussi d'enfermement et de déterminisme social, ainsi que le choc culturel entre Orient et Occident, les rapports hommes-femmes, la place des femmes dans une structure clanique, mais aussi les chrétiens d'Orient.

Certaines maisons sont-elles plus habitées que d'autres ? Ce récit sonne comme un retour à la matrice. Une plongée au cœur d'une labyrinthique et étouffante demeure familiale dont la narratrice, française d'origine arménienne, hérite malgré elle. Une déambulation comme en apnée dans une architecture hantée par des visions qui la renvoient à son passé, et dont chaque pièce devient, pas après pas, un fragment de son identité morcelée.

Aussi morcelée que l'histoire du peuple arménien, méconnu, et dont les racines remontent six siècles avant Jésus-Christ. À travers prénoms, lieux, chants et danses, coutumes ancestrales, légendes du Caucase ou d'Anatolie truffées de héros bibliques, dieux et déesses ou simples troubadours se révèle tout un monde. Avec pour point de départ d'un chaos intérieur le génocide perpétré dans l'Empire ottoman en 1915, imprégnant toute une lignée à travers les âges.


Article par Astrid De Larminat, Le Figaro , 30 mars 2022

CRITIQUE - L’histoire d’une famille arménienne implantée en France qui veut s’acculturer sans se renier.

Retour au bercail. Après vingt ans de vie parisienne étourdissante, Anaïd Demir se réinstalle dans la maison de son enfance, à trente kilomètres de la capitale, une jolie ville bâtie autour d’une église du XIIIe. Ses parents sont morts, la bâtisse est à la fois trop vide et trop pleine de silence et des fantômes du passé. Ah, les maisons de famille. Celle-ci a de singulier qu’elle a été le lieu d’une greffe: celle d’une famille arménienne sur le sol français.
Les parents de l’auteur s’y sont installés dans les années 1960. Ils arrivaient d’Istanbul, jeunes mariés, déjà parents de trois enfants. Anaïd, elle, naîtra en France, mais elle grandira entourée de ses grands-mères paternelles et maternelles, d’une arrière-grand-mère née en 1885 et morte centenaire, toutes rescapées du génocide, et d’une flopée de tantes et d’oncles. Avant les joyeux festins dominicaux, elle retrouvait ses cousins le samedi pour étudier l’arménien - sa langue natale. Ses parents parlaient turc entre eux et avec leurs aînés. Avec elle, exclusivement l’arménien. Plus besoin de se cacher. Il fallait que leur culture vive et perdure. Lourde mission pour une enfant. Anaïd grandit ainsi dans deux mondes parallèles. En dehors de son cercle familial, composé d’excentriques «oldschool» au regard des parents soixante-huitards de ses camarades, c’est une adolescente bien française des années 1980 - La Boum vue en cachette de ses parents qui auraient considéré que c’était un film porno, le gros téléphone gris à cadran circulaire qu’elle accapare à son retour de l’école, le walkman, etc.

Hériter et transmettre
Arrive un moment dans la vie où l’on s’aperçoit qu’on ne sait pas où on va. Surgit alors l’éternelle question: qui suis-je? D’où viens-je? La question de l’identité est une impasse lorsqu’on veut y répondre par une définition. L’issue: se raconter.
Seule dans la «maison mère», l’auteur fait l’inventaire du gros baluchon mémoriel dont elle a hérité et qu’elle avait mis de côté. Elle revisite une à une les pièces de la maison, cuisine, salle de bains, chambres, atelier, salon, grenier. Les sons, les voix, les odeurs et saveurs ressurgissent. Elle chute dans une «faille spatiotemporelle». Et si le temps n’était qu’une vue de l’esprit? Ils sont tous si présents, exubérants. Ça crie, ça chante à toute heure, ça rit, ça pleure, ça dramatise, «tout est poussé au maximum». Chrétiens mais d’Orient, on sacrifie un coq, on lit dans le marc du sacro-saint café, on conjure le mauvais œil. Anaïd tire sur les fils de ses souvenirs, des récits qu’elle a entendus, et «toute une civilisation» apparaît, qui remonte à la nuit des temps. Chercher ses racines, c’est aussi s’interroger sur son origine ultime, question mystique. Anaïd a de la chance, sa culture ancestrale l’emmène droit à la source. Le jardin luxuriant de ses parents la transporte dans l’Eden mythique. Elle cite Alexandre Dumas: «C’est en Arménie qu’était situé le paradis terrestre.»
Comment être française et fidèle à son héritage? Qu’est-ce que je veux transmettre de ce que j’ai reçu? Pas de réponse toute faite, à chacun de trouver sa voie. Avec ce beau récit, soyeux, coloré, intelligent, attachant, l’auteur a trouvé le style et la manière de rendre hommage à sa culture, et de s’en libérer en se l’appropriant.


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