Oublié pendant des décennies dans un grenier avant de rejoindre les collections de la BnF, le carnet de Serpouhi Hovaghian constitue l'un des rares témoignages connus d'une victime écrit alors même que le génocide arménien se commettait. La présente édition critique du récit qu'il renferme nous plonge dans une des périodes les plus sombres du XXe siècle.
" Nous marchions sans but, six heures par jour, sans manger ni boire. Marche, marche sur la route jusqu'à ce que tu en finisses avec ta vie [... ]. "Le 25 octobre 1915, une jeune Arménienne de vingt-deux ans échappée d'un convoi de déportés arrive dans le port de Giresun sur la mer Noire dans des conditions dramatiques. Le génocide orchestré par les Jeunes-Turcs contre les Arméniens de l'Empire ottoman fait rage depuis le mois d'avril. Comme beaucoup de ses compagnes d'infortune, Serpouhi Hovaghian a dû abandonner son fils de quatre ans en cours de route, et demeurera cachée plusieurs années, au prix de fréquents changements de domicile.
Au cours de sa longue clandestinité, elle utilise un carnet pour consigner par écrit avec plus ou moins de régularité son expérience et les événements dont elle a vent dans une sorte de journal intime, tenu en arménien, puis en français, avec quelques passages en grec. Dans ce récit fragmentaire, elle relate son périple à travers l'Anatolie, depuis son départ en déportation de Trébizonde où elle vivait avec sa famille en juin 1915, et sa vie recluse à Giresun.
Pour comprendre et décrypter ce document fragile, bouleversant, les éditions de la BnF ont fait appel à l'historien Raymond Kévorkian, spécialiste de l'histoire arménienne, qui livre ici une édition critique indispensable.