Article d’
Elisabeth Baudourian, Nouvelles d’Arménie Magazine, numéro 229, Mai 2016
« Le réveilleur d'empires », sous-titre de la biographie que Charles-Armand Klein vient de consacrer à Jacques de Morgan, résume parfaitement la vie de cet homme hors du commun: ingénieur, archéologue, linguiste, diplomate, créateur de musées, écrivain... Né près de Chambord en 1857, Jacques de Morgan se passionne très jeune pour l'archéologie. Diplômé de l'École des Mines, il effectue des recherches géologiques qui le conduisent en Europe puis aux Indes, en Malaisie et dans le Caucase. Partout il mène en parallèle des fouilles archéologiques. Envoyé en 1886 à Akhtala pour diriger la mine de cuivre, Jacques de Morgan abandonne sa mission première et explore près d'un millier de sépultures dans une dizaine de nécropoles. Il rentre en France après trois années épuisantes et publie un ouvrage qui connaît un grand retentissement. En 1889, il obtient une mission scientifique en Perse pour poursuivre vers l'Orient ses travaux commencés dans le Caucase.
La stèle d'Hammourabi
À son retour, il est nommé directeur général des antiquités en Égypte où il reste cinq ans. En 1897, Jacques de Morgan repart en mission en Perse. Ses recherches, qui dureront quinze ans, lui font mettre à jour à Suse, l'ancien empire d'Elam. C'est à lui que l'on doit la découverte de la fameuse stèle d'Hammourabi sur laquelle est gravé, en écriture cunéiforme, le plus ancien et le plus complet des textes juridiques. « En archéologie, il usa de méthodes souvent contraires à celles des savants patentés », écrit Charles-Armand Klein dont le livre nous renseigne sur les péripéties des explorations du savant. Jacques de Morgan s'éteindra à Marseille en 1924 après avoir découvert des sites archéologiques majeurs et écrit 130 ouvrages.
L'Histoire du peuple arménien
Dès 1916, horrifié par les atrocités dont sont victimes les Arméniens, il publie un article dans lequel il dénonce les agissements des Jeunes-Turcs. Par la suite, Sollicité par Archag Tchobanian et considérant la cause arménienne « juste et sacrée », Jacques de Morgan rédige une Histoire du peuple arménien éditée à Paris en 1919. Il écrit dans sa préface : « C'est à vous, Arméniens, que je dédie ce livre, en souvenir de jours heureux de ma jeunesse passés dans les pittoresques villages de vos montagnes, dans vos forêts enchantées, dans vos prairies émaillées de fleurs, éclatantes du beau soleil de l'Orient. Puisse le récit des actions de vos aïeux évoquer dans vos esprits le souvenir de ces hommes intrépides et vertueux, à qui vous devez la noblesse du cœur, l'indomptable amour de votre liberté nationale, vous rappeler que l'antiquité de votre lignée ne le cède en rien à celle des plus illustres parmi les peuples de la terre, que durant vingt-cinq siècles vos pères ont lutté avec vaillance pour soutenir l'honneur de votre grand Haïk ».
Elisabeth Baudourian, Nouvelles d’Arménie Magazine, numéro 229, Mai 2016