Antony KRAFFT-BONNARD
( 1869 - 1945 )

Etrange rapprochement, n'est-il pas vrai, que celui de ces trois mots ! Hélas ce n'est pas de la fantaisie, c'est une effrayante réalité. Il m'a fallu des années pour la saisir et en entrevoir la portée.
Le pétrole! C'est la matière première, ce sont les intérêts matériels, légitimes d'abord et qui deviennent criminels lorsqu'ils prédominent et étouffent tout le reste : justice, solidarité, principes et morale.
L'Arménie! C'est le faible, c'est la nation dont la voix trouble et fatigue, c'est aussi la nation qui n'est pas une cliente, qui n'a rien à offrir, c'est encore celle qu'on utilise au besoin et qu'on sacrifie quand elle gêne.
L'orphelin I C'est la victime.
Pétrole, Arménie, Orphelins, ces trois mots résument la tragédie arménienne et en signalent le caractère symbolique. La recherche du pétrole, l'abandon de l'Arménie, le sort de l'orphelin, voilà de quoi nous apprendre comment les choses vont dans ce monde, où est la cause de nos malheurs et quels sont les dangers qui nous menacent tous, les mêmes causes produisant les mêmes effets..
Deux questions me sont constamment posées. Pourquoi la nation arménienne a-t-elle dû subir un tel sort? Comment faudrait-il réagir?

« Encore les Arméniens ! » pensera peut-être un lecteur. Ah, certes ! ce n'est pas leur faute, car ils ne demanderaient pas mieux que de ne pas faire parler d'eux. Ce n'est pas non plus la nôtre, car il ne s'agit pas de notre bon plaisir, mais d'une situation de fait, qui nous est imposée et qui place devant nous une responsabilité qu'il est impossible d'esquiver.
Cette responsabilité se résume en deux mots : Justice et Solidarité.
Ce sont là deux cris qui doivent être clamés à nouveau, et d'autant plus fort que, au grand espoir d'un avenir meilleur pour l'Arménien persécuté, a succédé la plus douloureuse déception, consacrée par le Traité de Lausanne, ce traité que des centaines, des milliers de victimes innocentes : les chrétiens du Proche Orient, maudissent dans leur abandon, dans leur misère et dans leur désespoir.