De tout temps la littérature arménienne nationale s’est accompagnée de traductions faites du grec, du syriaque, du latin et de l’arabe, ce qui a été l’un des facteurs les plus importants de son développement et l’une des sources principales qui 1 ont nourrie. On connaît également un nombre plus réduit de traductions médiévales faites à partir du géorgien, du persan, du vieux français, du turc, de l’éthiopien, du russe, de l’anglais, de l’italien, du polonais et de l’espagnol.
L’activité des traducteurs en Arménie commence tout de suite après la création de l’alphabet arménien (405) sur l’initiative et avec la participation active des chefs spirituels du peuple arménien Mesrop Machtotz et Sahak Partev. Les œuvres de traduction ont joué un rôle considérable dans le développement de la littérature arménienne nationale, l’extension du champ de vision des lecteurs arméniens et l’enrichissement de la langue arménienne. Elles ont constitué l’expression réelle des relations culturelles séculaires du peuple arménien avec les autres peuples, en premier lieu avec ses voisins immédiats — les Grecs et les Syriens — , ainsi qu’avec les Géorgiens, les Arabes, les Perses et les Européens. Grâce à ces traductions, les œuvres les plus importantes de la philosophie antique, des sciences naturelles, de la théologie chrétienne, de la littérature médiévale et de la médecine orientale ont été mises à la disposition de la culture arménienne et ont servi de base pour la création de valeurs culturelles nationales.
Du point de vue culturel et historique, la division de la littérature en littérature nationale et littérature de traduction est conventionnelle, car, par la forme autant que par le contenu ces deux phénomènes représentent deux aspects, d’une valeur égale du même processus littéraire. Au Moyen Age, on ne faisait en fait aucune différence entre eux et les lecteurs arméniens accordaient une même attention aux auteurs nationaux et étrangers. Témoins les milliers de manuscrits où voisinent les œuvres originales et de traduction et la rareté des recueils ne contenant que des œuvres d’auteurs arméniens.
Dans la littérature arménienne, de même que dans toutes les littératures orientales chrétiennes, les traductions ont précédé l'apparition d œuvres originales. Néanmoins, dans la littérature arménienne du Ve siècle le passage de la littérature de traduction à la littérature originale s’est fait avec une telle rapidité que ce phénomène continue a faire jusqu’à présent l’étonnement des spécialistes. Seulement quelques décennies après le début de l'activité des premiers traducteurs, les auteurs arméniens Machtotz, Koriun, Eznik de Kolb, Faust de Byzance, Agathange, Eliché, Moise de Khorène, Lazare de Parpi ont créé toute une sérié d’œuvres originales de valeur. Cependant, avec l’apparition de la littérature originale, les traductions, loin de se réduire s'étendirent bientôt à d’autres domaines et continuèrent à se développer jusqu’aux temps modernes.